Mon père est mort, par Captain P@t

Bernier, alias le professeur Choron, avait fait l'Indo. Mon père aussi. Quand il était bourré, Choron racontait les rizières avec les viets en embuscade. Mon père aussi. Physiquement, on pourrait aussi trouver une vague ressemblance. Mais sur cette base commune, il y en a un qui a fondé Hara Kiri et un autre qui était un fervent lecteur de Minute.

Bon. Voilà pour l'image qu'a pu représenter le professeur Choron, à la grande époque de la rue des Trois Portes, lorsqu'il était à la tête du meilleur groupe de presse du monde. Presque tout me plaisait dans Charlie Hebdo : les reportages de Cabu en province, l'écriture coup de poing de Delfeil de Ton, les divagations enthousiasmantes de Gébé, et puis Reiser, Willem, Wolinsky (le style déboutonné de Cavanna m'a toujours gonflé). Après, les choses ont commencé à se dégrader lentement. Il y a eu Berroyer, qui n'a pas tenu ses promesses; Manchette que l'on ne comprenait pas bien à l'époque. Quand au journal qui porte le même titre aujourd'hui, on en parle même pas.

Hara Kiri, c'était autre chose. Il y avait une dimension artistique, là-dedans. Du vrai post-dadaïsme, bien plus en phase avec ce qui se passait au cabaret Voltaire que les pseudo héritiers de Duchamp dans les galeries. Tout le charme de Choron tient à cet instinct brut, non édulcoré par les références culturelles.

En même temps, il y a une limite dans cette attitude. Les hors-la-loi finissent mal en général, en s'étranglant de rage parce que la culture légitime trouve la parade - en les intégrant et en leur donnant de la reconnaissance (Cavanna) ou en les repoussant dans les marges, la mouise.

En même temps, cette fin solitaire et misérable, je n'en attendais pas moins de lui.

Lorsque le lecteur de Minute est mort, je n'ai rien ressenti.

Là, je suis peiné.

 

Captain P@t