Lundi 4 mars

Patrick m'a préparé une page genre tapis de roulette. J'espère que ça me portera chance. D'après les statistiques, le journal est un des recoins du site les plus visités. L'affluence commence à devenir assez impressionnante. L'absence de réactions également.

Mardi 5 mars

Je ne sais pas si mes photos ont un intérêt quelconque, mais je m'amuse bien avec ce petit appareil numérique.

Mercredi 6 mars

J'ai une théorie esthétique à propos de la photographie : n'importe quelle photo peut devenir intéressante, émouvante, inépuisable, à partir du moment où l'on se met à la contempler avec une certaine intensité. J'ai fais l'expérience à l'époque où je peignais. Il y avait des photos sans grand intérêt qui traînaient dans mon atelier. Et comme je passais beaucoup de temps à ne rien faire, je regardais ces photos pour m'occuper. Maintenant, quand je les revois, je réalises qu'elles sont gravées dans mon esprit, que je les ai détaillées et que j'ai rêvé à partir d'elles aussi bien - mieux peut-être - qu'au contact des chef-d'oeuvre reconnus.

Jeudi 7 :mars

Premières impressions de printemps. C'est dans l'air. Et c'est le début de ma période préférée - apogée en mai.

Vendredi 8 mars

Pourquoi écrire un journal ? Parce que l'écriture, c'est ce qui rend la vie plus passionnante que l'écriture.

Samedi 9 mars

En ce moment, de la soul 70 dans la base. En écoute : If loving you is wrong (I don't want to be right), Al Green. Bill esquisse quelques pas de danse, sa tasse de café à la main. Pas de doute : springtime is coming.

Dimanche 10 mars

Je me souviens qu'on nous avais reproché à une époque d'être branchés sur des trucs de vieux (le rock et le blues) et d'ignorer les choses plus contemporaines. On a mis le temps, mais ça-y-est : le GFIV se met doucement à la musique électronique. Tout est parti d'une compilation qu'un copain avait concoctée spécialement dans le but de nous faire basculer. L'accueil était assez réticent au départ. Puis, petit à petit, à force de la passer en boucle, tout le monde est tombé sous le charme de Death In Vegas, Saint Germain et autres Roudoudou (à part Joe Le Gloseur, mais lui n'aime pas la musique en général).

Lundi 11 mars

Belle journée en perspective. Les oiseaux chantent, et Lonesome Pat aussi.

Mardi 12 mars

J'écris ces lignes après une journée chargée. Je le fais parce qu'il le faut mais la fatigue m'empêche d'y prendre plaisir. J'écoute Just A Place In The Sun, par Roudoudou.

Mercredi 13 mars

Cette fois, j'écris le matin. La fatigue en moins, c'est à peu près le même sentiment de vide. Je crois que c'est ça qui est intéressant dans le fait d'écrire. Aller voir ce qui se passe une fois que l'on a dit ce que l'on avait à dire, que les mots ont livré leur petite dose de signification. Après. Quand il n'y a plus rien à dire - comme dans les derniers textes de Beckett. Je crois que je suis à la lisière de cette sorte de désert.

Jeudi 14 mars

Ce n'est probablement pas très original, mais j'adore glander sur les parkings de supermarchés, contempler à travers la vitre du pare-brise les rares évènements qui agitent ces lieux paisibles (en dehors des heures de pointe) : passage des caddies plus ou moins remplis, opérations de chargement du coffre, engueulade des enfants etc... Personne ne vous voit et vous voyez tout. Presqu'aussi bien que la terrasse d'un café parisien.

Vendredi 15 mars

Quelqu'un d'autre, le dernier roman de Benacquista, est presque traumatisant, parce qu'il pose la question de la construction identitaire, et de la façon dont nous gérons, en costumiers minables, les masques dont nous nous affublons. Derrière l'enjeu identitaire, il y a évidemment le dilemme de la liberté, l'angoisse de la créativité personnelle et l'ambiguë violence du rapport que nous entretenons avec le monde.

Il arrive qu'une critique vous donne une furieuse envie de rendre visite au libraire le plus proche pour vous précipiter sur un livre. C'est le cas pour la chronique du roman de Tonino Benacquista sur Fluctuat. Vous pouvez y aller en toute confiance, aller voir le votre, et lui demander d'urgence Quelqu'un d'autre (Gallimard).

Samedi 16 mars

Ce truc (le rock new yorkais) ne finira-t-il donc jamais ?

Dimanche 17 mars

Les garçons du GFIV ont toujours de bonnes raisons pour ne pas venir se promener avec moi dans la campagne. Les garçons, en général, n'aiment pas marcher dans les chemins au printemps. Ils préfèrent rester assis toute la journée, écouter Death in Vegas, visiter des sites zarbis ou glander sur la terrasse en buvant du Martini blanc. C'est leur manière à eux d'être en accord avec les grands rythmes de la nature.

Lundi 18 mars

Le GFIV ne s'est jamais vraiment bien intégré dans la (toute petite) famille des "webartistes" français. Les membres de ce club flaireraient-ils une arnaque, comme dit Joe : trop de désinvolture, pas assez d'égo-trip. Toujours la vieille crainte de laisser entre dans la bergerie le loup ricannant qui risquerait de ridiculiser ensuite les moutons.

Mardi 19 mars

Le journal arrive en tête dans les statistiques du site. Qu'elles conclusions en titer ? Qui sont ces visiteurs anonymes ? Les seuls témoignages (d'encouragement) que je reçois sont féminins. Pour les hommes, Bill soutient qu'ils viennent, attirés par mon pseudo - qui fait très pornstar il est vrai, dans l'espoir de tomber sur des récits érotiques. C'est peut-être le cas pour une partie d'entre eux. Comme ils doivent être déçus, les pauvres !

Mercredi 20 mars

Quelques bribes d'un rêve érotique que je note au réveil, pour ceux qui seraient à la recherche de ce genre de lecture. Je marche sur une plage, il fait très chaud. Il y a quelques types assis sur une carcasse de voiture. Il me regardent intensément. Je réalise que je suis nue. Je voudrais courir, me sauver. Je choisis de continuer à marcher comme si de rien n'était. Je sens leur regard sur mon corps, j'essaie de rentrer dans l'eau jusqu'à la taille. Je sens, sous l'eau, des mains qui ma carressent. C'est agréable mais je ne dois rien montrer pour que les types sur la voiture ne se doutent de rien. C'estr difficile, vu que les carresses deviennent de plus en plus précises. Je me réveille.

Jeudi 21 mars

Il existe plusieurs manières de se faire très rapidement une idée sur une personne que l'on vient de rencontrer. Par exemple, demander quel est son livre préféré de Nabokov. Si elle n'en a pas, prenez congé gentiment. Si elle répond Lolita, creusez un peu pour voir si ce n'est pas pour de mauvaises raisons (voir les commentaires acerbes de Nabokov sur la destinée sociale du terme). Mais les vraies âmes soeurs, celles avec qui vous allez pouvoir évoquer l'univers magique de cet écrivain pendant des heures, ce sont celles qui vénèrent plus que tout Ada ou l'ardeur.

Vendredi 22 mars

(J'ai cinq minutes devant moi, même pas.) 22 mars ? C'est pas l'anniversaire de quelque-chose ? Algérie ? 68 ? Les deux à la fois ? Pourquoi pas ? On ajoute un souvenir plus récent ? Mitterrand ? Et on commémore ?( J'y vais.)

Samedi 23 mars

Si on s'ennuie à la campagne ? Bien sûr ! Presque en permanence. A la fin, on ne s'en rend même plus compte. L'ennui, le silence et la lenteur deviennent une habitude. C'est difficile, un peu, au début. Besoin pressant, comme d'une drogue, d'adrénaline, de foule, de bruit. Puis on finit par entrer dans un autre rythme. La belle vie rurale peut alors commencer, avec ses longs cycles saisonniers, et ce magnifique désoeuvrement qui fait paraître longues les journées.

Dimanche 24 mars

Bill vient d'ouvrir un site de loisirs : Fun City (âmes sensibles s'abstenir).

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