mercredi 14 août

OK, je suis de retour. Mais j'aimerais autant qu'on en fasse pas tout un plat. J'ai dit à P@t d'éviter les annonces genre"Jane is back" en lettres clignotantes aux quatre coins du web - pour l'instant (car je sais qu'il ne pourra pas s'en empêcher). Je voudrais juste faire comme n'importe quel batteur qui se retrouve derrière son kit après un break prolongé : retrouver le rythme.

jeudi 15 août

Sur le plan musical, ici, à la base, on assiste à une régression massive de la part des garçons. Tous les efforts pour évoluer vers l'electro contemporaine, tout ça balayé d'un coup par la découverte de groupuscules sauvages : The Dirtbombs (soul sixties passée à la moulinette garage), Detroit Cobras (le mariage des ronettes et des stooges), Soledad Brothers (du blues et de la guitare fuzz). Vieux son analogique, pas un sampler à l'horizon. Ces gars vivent comme si l'on en était restés à l'âge du vinyle. Il va falloir sortir Pat et Bill de ce mauvais pas.

vendredi 16 août

Bon allez, j'avoue : tenir ce journal m'est devenu indispensable. Comme disait un philosophe (je me souviens parfaitement qui et dans quel contexte, mais cela nous égarerait), "on peut vivre sans, mais on vit moins bien". Par exemple, il y a ces moments dans la journée où une vague idée vous traverse à l'improviste. Au lieu de la laisser filer (comme tant d'autres), vous décidez de la retenir. Vous vous dites que vous pourriez peut-être en faire quelque chose pour le journal. C'est presque rien, mais une phrase est déjà en train de se former pour essayer de la capter, cette idée volatile sur le point de s'enfuir, qui ne demande même qu'à filer et à disparaître pour toujours. Cette chasse aux papillons, oui, je crois qu'elle me manquerait si je devais l'arrêter pour une raison ou pour une autre.

samedi 17 août

En choisissant la formule "everyday", je ne peux éviter le risque de n'avoir rien à dire. Plus exactement, cette formule est spécialement conçue pour que le problème n'existe pas, puisqu'il se repose à chaque fois. Et ça marche. Les progrès sont lents, mais durables. Confirmation de cette intuition éminemment "moderne" : on écrit pour écrire (Flaubert, Mallarmé, etc...). Vérité qui risque chaque jour de se laisser rattraper par le poids du quotidien, de disparaître écrasée par la logique de la rentabilité (à QUOI ça sert ?), la tyrannie de la signification (ça veut dire QUOI ?). Je viens de lire un passage de Breton dans l'Anthologie de l'humour noir assez définitif sur cette question, mais le livre est resté en bas (je suis à l'étage) et j'ai la flemme d'aller le chercher. Je vais prendre ma douche.

dimanche 18 août

Une inquiétude : et si une personne que je côtoie dans la vie "réelle" avait connaissance de ce journal ? Alors, rien. Cette personne me connaîtrait un tout petit peu mieux, c'est tout. Mais même ce petit peu, je préférerais que ceux que je croise (collèges, voisins, famille) ne le connaissent pas. Qu'ils restent dans l'ignorance. Ce qui me laisse une marge de liberté pour essayer de leur faire croire que je ne suis pas exactement ce qu'il croient que je suis, et que je suis en fait.

lundi 19 août

Je réalise que personne ne vous voit vraiment. Pour les autres, nous ne sommes qu'un support de projections que l'on peut orienter dans un sens ou dans l'autre. En ce sens, plus l'image que se font de vous les autres, votre façade sociale, sera éloignée de ce que vous êtes vraiment, et plus votre marge de manœuvre, votre liberté, sera grande.

mardi 20 août

J'aime bien la période qui approche : fin d'été-début d'automne. Le début seulement. Le déclenchement du processus. Vers la fin, quand on débouche dans septembre avec le rayon rentrée bourré à craquer et les hommes politiques qui réapparaissent, là c'est l'horreur.

mercredi 21 août

Lu l'interview d'Olivier Rolin dans les Inrockuptibles. Son livre devrait faire un carton chez les bobos du sixième arrondissement qui ont fait leur premières armes dans l'extrême-gauche prolétarienne. Encore un qui s'est trompé de révolte quand il avait vingt ans (maoïsme) et qui essaie de se prouver qu'il n'y avait pas d'autres solutions (ce qui est toujours faux à toutes les époques). Mais bon, ce n'est pas une raison pour venir importuner tout le monde avec ces erreurs de jeunesse mal digérées . Encore moins pour se comparer à Flaubert comme il le fait en confondant ses aigreurs de quinqua avec les fureurs extralucides de la Correspondance (qu'on lira de préférence à ce qui nous est présenté ici comme le roman de la rentrée).

jeudi 22 août

A un moment, il y a eu l'amorce d'un petit débat mac/pc, sur la GFIV-connection (la plus belle ML du monde). Peu importe la catégorie, quand un ordi se met à vous lâcher, c'est toujours désagréable au possible. Si encore il mourrait en un seul coup. Mais non. Ce sont de longues agonies à n'en plus finir, avec de fausses rémissions qui nous font croire que tout est réglé, que ce n'est même plus la peine d'effectuer des sauvegardes, et le lendemain matin, c'est reparti (ou plutôt rien ne repart à nouveau). Tout le monde a vécu ça et sait qu'on a besoin d'en parler, mais aussi à quel point, dans cette situation, les mots ne servent à rien.

vendredi 23 août

J'ai croisé Elliott Murphy, un jour, dans un café place de l'Odéon. Ce souvenir me revient probablement à cause d'un livre de lui qui sort ces jours-ci, un receuil de textes écrits aux terrasses des café de différents pays d'europe. Bref, il était là, assis à quelques mètres. Je ne l'avais pas immédiatement reconnu parce qu'on ne s'attend pas à voir ce genre de personne dans la vie ordinaire. Alors j'ai pensé : "Tiens, c'est lui qui a écrit les fameuses notes de pochette du Live 69 (Velvet), qui a sorti un premier album devenu mythique. Qui n'est pas devenu une star mais a continué à faire son chemin, une belle carrière de song writer peut-être un peu trop écrasé par ses héros/références (Bowie, Dylan, Reed). Mais bon, de quoi être assez content. Il avait rendez-vous avec une fille qui est arrivée un peu après, une brune, jolie, la trentaine. Et il l'a dévorée des yeux comme un teenager qui va enfin pouvoir passer à l'action. J'ai trouvé ça bien, qu'un type de son age (cinquante ? presque soixante ?), vive vraiment ce dont il parle dans ses chansons.

samedi 24 août

Apologie de la fin août (suite). C'est bien simple : j'aime tout. Ce refroidissement de l'air en soirée, l'idée de vacances qui s'effiloche un peu plus chaque jour qui passe, et même le blues à l'idée de devoir retourner travailler - car cela signifie que l'on n'y est pas encore.

dimanche 25 août

Mon programme automne/hiver 2002-2003 : faire une bonne provision de livres et rester au lit le plus souvent possible. Convalescence sans maladie. J'ai fait ça une année et j'en garde un souvenir merveilleux. Au début, il faut dépasser la contrainte sociale qui nous pousse à faire des choses - n'importe quoi plutôt que l'inactivité. Ensuite, on entre dans une très grande douceur, interrompue par des parenthèses que l'on a hâte de refermer pour retourner sous la couette.

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