lundi 7 octobre

L'une des raisons pour lesquelles je n'ai pas envie d'un blog : le pré-formatage. J'aime l'aspect bricolé des pages du journal, les essais de couleur et, il faut bien le reconnaître, une certaine laideur. C'est, pour moi, la continuité des cahiers que j'ai longtemps tenus avant de m'installer sur le net, des sortes de scrap-books où je mêlait dessins, collages et textes (et qui étaient eux-même la suite de mes cahiers de texte détournés du lycée, puis de mes agendas). La présentation des blogs est trop clean, trop pro, trop aseptisée pour mon goût.

mardi 8 octobre

Je l'ai redoutée un moment, puis j'ai espéré qu'on allait y échapper, mais cette fois-ci elle est bien là : p@t nous fait sa crise de la quarantaine. Pas un truc brutal du genre je quitte tout et je me tire avec une gamine de vingt ans. Non, juste un flottement, le pas de côté qui fait que l'on se met à considérer tout avec un autre oeil. Il m'a demandé l'autre soir ce qu'on pouvait faire, lorsqu'on ressentait ce sentiment d'isolement (Isolation, une belle chanson de Lennon). Je lui ai dit : l'écriture, mec. Il te reste l'écriture - et tu pourrais déjà commencer par finir ce foutu roman qui traîne depuis une éternité.

mercredi 9 octobre

Je suis comme vous : je ne pourrais nommer précisément ce à quoi nous assistons. Impossible de dire, au stade où nous en sommes, s'il s'agit d'une vaste mutation de la société causée par l'accélération de l'évolution technologique, d'une longue implosion du capitalisme ou d'autre chose encore, que nous ne pouvons appréhender parce qu'il n'existe pas de précédent. Là où nous sommes (derrière notre ordinateur), rien n'est encore venu nous affecter directement. D'où une relative indifférence, pas désagréable (il faut bien le dire).

jeudi 10 octobre

On ressort the Who sings my generation en version remastérisée avec une flopée de bonus tracks (et le fabuleux Can't explain déjà évoqué ici). J'avais acheté il y a une dizaine d'années une édition américaine bas de gamme (son pourri, pas de notes de pochette et douze titres en tout). Alors je me demande si je me lance dans l'achat de ce double CD luxueux, et comme j'aime pas avoir des trucs qui servent pas, cela signifie aller revendre l'ancien pour deux balles dans une boutique sordide. Toutes les fois où j'ai été confronté à ce genre de dilemme, j'ai fini par céder à la tentation (exemple : la sortie officielle du live 66 de Dylan, alors que je l'avais déjà en double exemplaire, vinyle et CD, dans des versions pirates).

vendredi 11 octobre

Vers sept heures du matin, d'habitude, il y a des choses qui me passent par la tête. Là, rien.

samedi 12 octobre

La middle-age crisis de p@t (suite)

Ma suggestion : si tu veux vraiment faire ta remise en question, demande toi pourquoi pourquoi tes ex ont quitté un mec aussi génial que toi. Réponse de p@t : Il existe chez les femmes un instinct ancestral qui les pousse à choisir celui qui leur semble le plus compétent pour protéger la grotte, entretenir le feu et ramener du gibier. Elles pigent vite que c'est pas moi.

dimanche 13 octobre

On commence un peu à avoir froid, vous ne trouvez pas ?

lundi 14 octobre

Ce n'est pas très avant-garde, I know, mais j'aime par-dessus tout la peinture de Constable et je me fais une fête de visiter prochainement l'exposition qui se tient au Grand Palais.

mardi 15 octobre

C'est débile parce que :

1 : ça fait presque deux ans que je tiens quotidiennement ce journal

2 : comme p@t essayait de l'expliquer récemment à quelqu'un, tout ça n'a pas d'importance

et pourtant, je ne peux pas m'empêcher d'avoir une petite appréhension lorsque j'ouvre dreamweaver le matin, juste avant d'improviser ma brève intervention.

mercredi 16 octobre

Mais d'où vient cette énergie magique qui émane de la musique d'Eddie Cochran ? C'est le mystère total. Je suis en train de faire des expériences scientifiques : par exemple, lorsque j'écoute Twenty flight rock ou Little lou le matin, dans la journée j'ai droit à des remarques du genre : Wouaou, qu'elle énergie ! Les adultes recuits se contentent le plus souvent de m'observer avec envie, car ils ne supportent pas le spectacle de ce bonheur cochranien (teenage heaven).

Ooh, well I got a girl with a record machine
When it comes to rockin' she's the queen
We love to dance on a Saturday night
All alone where I can hold her tight
But she lives on the twentiest floor uptown
The elevator's broken down

So I walked one, two flight, three flight, four
Five, six, seven flight, eight flight, more
Up on the twelfth I started to drag
Fifteenth floor I'm a-ready to sag
Get to the top, I'm too tired to rock

jeudi 17 octobre

Le défaut de Joe ? Il aime trop la polémique pour elle-même. Elle l'amuse à tel point qu'il lui arrive de la déclencher gratuitement, pour le plaisir. La mauvaise foi la plus complète est alors de rigueur, les simplifications abusives également. Mais "la polémique est nécessaire, le progrès l'exige" (Joe le Gloseur).

vendredi 18 octobre

Les meilleures périodes ? Lorsque tout glisse, que le présent immédiat est là, mais pas trop - discrètement, sans s'imposer - et qu' il reste encore tout un espace vacant pour la rêverie et la contemplation.

samedi 19 octobre

Ecrire ces quelques mots le matin après le café, c'est une petite expérience de concentration mentale et aussi un rituel - comme on en trouve dans les religions orientales, par exemple. Tant que cela me sera bénéfique, je crois que je continuerai.

dimanche 20 octobre

Malgré les bonnes résolutions, j'ai à nouveau complètement décroché de la politique et de l'actualité internationale. Je ne reçois que l'écho des bombes - parce qu'on ne peut pas y échapper. Alors, il est comment, Raffa ?

lundi 21 octobre

Sur les conseils de P@t, je lis La tache, le dernier roman de Philip Roth. C'est toujours la même rage inextinguible contre la stupidité, l'hypocrisie sexuelle et les conventions sociales que dans Portnoy, mais maintenant, cette démolition en rêgle est effectuée avec un style si maîtrisé, un art de la narration si abouti, que la force de frappe est tout simplement sidérante. On se prend à rêver d'un écrivain français qui s'en prendrait avec un talent équivalent aux faux-semblants de notre beau pays post-pétainiste.

mardi 22 octobre

J'aime cette idée qu'il puisse exister un doute sur mon existence. Et je ne vois pas beaucoup d'autres endroits, de situations, - hormi la littérature - où l'on puisse à la fois communiquer tout en restant sous-exposé.

mercredi 23 octobre

Il n'y a pas QUE ça, heureusement, mais le net est quand-même un sacré repaire de tarés en tous genres (paranos, mégalos, maniaques sexuels, etc...). Les mésaventures de Caroline sont assez édifiantes à ce sujet. Du coup, je regrette moins de recevoir assez peu de courrier des lecteurs.

jeudi 24 octobre

Je vais faire un effort pour suivre ce qui se passe, m'intérresser plus à la politique. Le Gloseur a raison de m'engueuler : c'est scandaleux de décrocher à ce point de la vie publique pour se replier dans la musique et les romans. Je vais m'y mettre, Joe, promis juré !

vendredi 25 octobre

Il y en a que le sexe endort. Moi, ça me fait l'effet d'un shoot d'amphétamine (j'imagine, hein !). Dans les périodes plutôt denses sur le plan physique, je me disperse à mort, j'entreprends des tas de trucs, et surtout, mon seuil de tolérance envers la connerie baisse terriblement

samedi 26 octobre

Allez. Aujourd'hui, je vais essayez de jouer Till the morning come au piano (il existe une reprise par Françoise Hardy sur un disque assez rare, entièrement en anglais). A chaque jour suffit sa peine.

G C Am D Am D
/ / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / /

G C
I'm gonna give you till the morning comes
Am D
Till the morning comes
G C
I'm only waiting till the morning comes
Am D
Till the morning comes
Am D
Till the morning comes

(repeat and fade)

dimanche 27 octobre

En sortant de l'exposition Constable, je n'avais pas très envie d'aller voir autre chose (et surtout pas de l'art contemporain chinois, comme le souhaitait p@t); je voulais juste m'asseoir sur un banc au bord de l'avenue, fumer une cigarette et regarder Paris en automne, en laissant le temps à toute cette beauté d'infuser.

 

 

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