Lundi 19 février

Il est 18:11 et je regarde brûler une bûche dans la cheminée. C'est largement aussi bien que l'écran de l'ordinateur. J'écoute des titres rares de Bowie : une excellente version live de Panic in Detroit. Je lis les Ultimes paroles de William Burroughs.

Joe Le Gloseur m'a proposé de mettre en ligne mon journal parce qu'il trouvait que le site du GFIV "manquait de présence féminine". Soit (même si, sur internet, présence féminine signifie le plus souvent photos à loilpé).

Revenons à ce bon vieux Lonesome Cowboy Bill . A chaque fois que je le lis, je me mets à voir le monde avec ses yeux, sous l'angle de l'intoxication. Nous somme tous accros à une pseudo-réalité falsifiée. Bien sûr, il ne s'agit que d'une vision d'écrivain, d'un vieux drogué qui est resté dépendant de sa dose de méthadone jusqu'à la fin, et sans l'ombre d'un remord.

Mardi 20 février

Un journal doit être tenu tous les jours, c'est un impératif catégorique, une règle et une hygiène de vie. La question de n'avoir rien à dire ne se pose même pas, n'a pas à être posée. La tenue quotidienne du journal pulvérise cette question. Il y a toujours quelque chose à dire lorsque vous n'avez pas le choix. "Nous oblige pas à sortir les gros moyens, autant que ça s'passe gentiment." O.K., je vais dire tout ce que je sais. Mais ne soyez pas trop pressés. J'écoute Dylan le matin, ça me met de bonne humeur. En ce moment, la période que je préfère est celle des Basement tapes, peut-être parce que je vis dans un endroit qui ressemble assez à ce qu'on voit sur les photos prises chez lui à l'époque.

J'ai tout mon temps. N'abusons pas des bonnes choses. Ce sera tout pour aujourd'hui.

Mercredi 21 février

Balthus pensait que l'érotisme avait perdu beaucoup de son attrait en devenant une chose omniprésente dont tout le monde s'occupe. Il est vrai que même les meilleures choses, lorsqu'elles deviennent des loisirs de masse, de vastes secteurs industriels soumis au principe de rendement, perdent de leur charme.

Écouté un petit débat comme on en entend beaucoup en ce moment à propos d'internet. Bien sûr, toute la bonne vieille machine à fric est débarquée dans le cyber-espace avec ses mauvaises habitudes et son mauvais goût (la bourse et le porno). Mais il semble que, pour l'instant, la broyeuse n'ait pas trouvé le moyen d'éradiquer tous les petits parasites dans le genre GFIV (il y en a des milliers d'autres).

Jeudi 22 février

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j'aime bien, lorsque je lis un journal, savoir si la promenade quotidienne a bien eu lieu, quel temps il faisait, des choses dans ce genre. C'est ce qui fait le charme, non ? Alors, puisque vous insistez : oui, j'ai bien fait ma promenade avec mon chien et il faisait beau. Surtout que j'avais les jambes engourdies par des heures d'ordinateur. A part ça, comme vous pouvez le constater, pas grand chose.

Vendredi 23 février

Dans la catégorie "journal littéraire", je place au sommet celui de Gombrowicz. On peut l'ouvrir à n'importe quelle page, ça turbine toujours à plein régime. On apprend dans la biographie qu'il traversait au même moment des épreuves qui auraient détruit n'importe qui (exil, misère matérielle, incompréhension, etc...). Le journal de Gombrowicz contient une leçon philosophique, et elle est de taille : ne compte que sur toi même, baby, laisse passer les marées et ne te laisse pas entraîner.

L'autre sommet (il y en a deux dans ma petite montagne mythologique personnelle consacrée au journal) est Pessoa qui utilise un journal fictif pour faire exister, dans l'espace ainsi créé, des identités virtuelles.

En fait, en comptant bien, il y a trois sommets à cette montagne. Le troisième n'est autre que le vieux Burroughs, celui d' Ultimes paroles et d' Une éducation, qui mêle anecdotes, souvenirs, fragments de rêves, fictions et citations, en un cocktail tonique et mystérieux dont je ne connais pas d'équivalent.

Samedi 24 février

" Pourquoi la conformité totale est-elle perçue comme tellement souhaitable ? " Et oui, Bill, je me pose aussi la question très souvent. A la place de la gourmandise ou de la luxure, pourquoi ne pas avoir glissé cette horreur de conformité totale ? Il y a un truc qui cloche, mais où ? A qui est-ce que ça profite ? Pas très dur à trouver.

"Refus inconditionnel de leurs conditions ?" The only solution.

Dimanche 25 février

Fait un tour sous le ciel bleu électrique des sixties grâce à un épisode de la série les Envahisseurs. On y apprend qu'ils ont apparence humaine mais qu'ils n'éprouvent aucune émotions. Ca ne vous évoque rien ?

Penser à vérifier sur des photos si le patron de Vivendi-Universal plie le petit doigt.

 

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