Lundi 10 septembre

Est-ce que cela ne heurte pas trop vos pupilles ? Rouge sur vert ? Pourquoi toutes ces couleurs criardes sur le site du GFIV ? En référence aux années psychédéliques, bien entendu. Contrairement à une idée assez répandue ces temps-ci, entre autres par le Figaro et par un laideron de sexe masculin faisant commerce dans le roman, nous ne pensons pas que le mouvement culturel et politique des sixties soit la cause de la désagrégation prononcez décadence de la société contemporaine. Nous pensons que la conscience critique a connu un essor considérable durant cette période historique et que c'est, au contraire, l'anéantissement programmé de cette conscience critique - à laquelle ont travaillé avec entrain les renégats de 68 - qui est la source et la cause de l'effondrement général. Une occasion ratée, un essor avorté, une ouverture condamnée. Mais qui interdit de retourner à la source et de reprendre les choses avant leur écrasement dans la récupération spectaculaire ? Nous préférons cela au cynisme désabusé de l'aliénation librement consentie.

Mardi 11 septembre

" We live in a world of fantasy where Disney has won, the fantasy of Disney. It's all fantasy. That's why I think that if a writer has something to say he should say it at all costs. The world is real. Fantasy has become the real world. Whether we realise it or not. " Bob Dylan, extrait de The Rome Interview.

Mercredi 12 septembre

On s'en souviendra, un peu comme pour la mort de Kennedy ou l'annonce de la victoire de la gauche en 81 - encore que ces deux exemples soient peut-être en deçà, en terme d'impact historique. Que faisiez-vous lorsque vous avez appris la nouvelle ? Moi, je rentrais de travailler. Par la fenêtre, j'ai vu Lonesome Pat et Bill Térébenthine scotchés devant la télé, l'air hagard et j'ai deviné qu'il y avait un truc bizarre. T'es au courant de ce qui arrive ? m'a demandé Pat. Il avait pas l'air de rigoler. J'ai dit : non. Dans la voiture, les programmes de France Culture n'avaient pas été interrompus. J'ai approché de la télé et j'ai commencé à regarder la fumée sur Manhattan. Comme tout le monde, j'ai d'abord cru que j'hallucinais pendant quelques secondes, puis que les soucoupes volantes attaquaient. Tout cela a été conçu avec un sens incroyable du spectacle et de la mise en scène.

Jeudi 13 septembre

Lonesome Pat aime l'amérique parce que c'est le pays de Robert Johnson et du Velvet Underground, Bill Térébenthine parce que c'est le pays de Jasper Johns et de Mark Rothko, Jane Sweet parce que c'est le pays de Jack Kerouac et de Bob Dylan, Joe Le Gloseur parce que ceux qui viennent de frapper représentent la nuisance majeure dans l'immédiat, avant la société spectaculaire marchande.

Vendredi 14 septembre

Il existe un pays où les images pornographiques peuvent prendre une dimension subversive et déclencher la répression : la Chine.

Samedi 15 septembre

Des réactions de "gens" sur mon lieu de travail :

Tout le monde est très irrité par la fermeture du parking, c'est presque un vent de révolte (On parle de parano, de psychose). Une collègue grommelle : s'ils n'avaient rien à se reprocher. Un peu plus tard, à la photocopie, une autre collègue est chiffonnée par le principe des minutes de silence. C'est terrible, certes, mais elle ne veut pas, dit-elle, cautionner toute la politique américaine. Une autre : ça va encore se régler de manière brutale (allusion à la guerre du Golfe). Un collègue (arabe) annonce qu'il a respecté trois minutes de silence, mais pour toutes les victimes du terrorisme, y compris pour celles du terrorisme américain. Je le rattrape dans le couloir et je lui demande où il a vu un terroriste américain. Il me répond : eux, ils pratiquent le terrorisme d'état. Il remonte à la C.I.A. en Amérique du sud. Je lui dis qu'il faut réagir à l'actualité présente. Il parle des enfants palestinien. Notre conversation est interrompue.

Ces réactions m'étonnent un peu. On peut y voir le symptôme d'un choc, une forme de déni devant l'énormité des faits. La fermeture d'un parking prend alors une importance capitale et monopolise toute l'indignation (déplacement freudien). Ces personnes soudainement méfiantes envers les médias et les décisions gouvernementales sont ordinairement des citoyens policés qui consomment l'un et l'autre avec une passivité de bovin.

Dimanche 16 septembre

Aujourd'hui, création officielle de la liste GFIV-Connection. L'idée est de donner la possibilité à tous les Gfivistes, adhérents, abonnés de la liste Jane ou sympathisants démonstratifs, de pouvoir s'exprimer. Il ne s'agit pas de faire doublon avec les listes existantes qui remplissent très bien leur fonction. C'est une question de microclimat. On avait envie, notamment après l'implosion de la liste antidollar, de créer un espace. C'est fait. A chacun de l'utiliser selon ses envies et ses besoins.

S'inscrire à GFIV-Connection
Adresse du service :fr.groups.yahoo.com

Lundi 17 septembre

Lonesome Pat a scotché ceci au-dessus de l'ordinateur de la base :

America I've given you all and now I'm nothing
America two dollars and twentyseven cents January 17, 1956.
I can't stand my own mind.
America when will we end the human war ?

Allen Ginsberg, extrait de America, in Howl ( trouvable en 10/18 )

Mort du commandant Massoud. Cette annonce a plané toute la journée d'hier avec une aura mauvaise perceptible au léger tremblement dans la voix des speakers, aux regards qui se détournaient. Mauvaise conscience, regrets, peur d'y voir un mauvais signe, ou l'indice d'un plan concerté qui n'en serait qu'à ses prémisses, les premiers coups d'une partie d'échecs (jeu favori des Afghans).

Mardi 18 septembre

Je ne me retrouve pas dans la plupart des messages que je peux lire ça et là. Je pense avoir de l'humour mais en ce moment tout ce qui ressemble à une blague me met mal à l'aise. Personne ne parle de l'émotion étrange où nous sommes plongés. C'est difficile à cerner avec des mots mais le reste, les rires dans le noir pour essayer de se rassurer, on peut s'en passer, non ?

Mercredi 19 septembre

Le GFIV se retrouve pour le repas devant le 20 heures : du jamais vu. Lonesome Pat s'est réfugié dans ses compilations d'obscurs bluesmen du Delta (Blind Boy Fuller, Charlie Patton, Bo Carter...), Joe le Gloseur tourne en rond en tirant sur sa pipe tel un Popeye sous amphétamines, Bill semble ailleurs, et moi je me raccroche à ce journal. Je pense à chanson de Dylan : It's a hard rain's a gonna fall.

Dans les Inrocks, un texte de José Mondzain qui parle de la suspension de la pensée :
Comment s’inscrit la répétition de l’image là-dedans, cette mise en boucle qui, à la fois, tétanise et paralyse le spectateur en lui interdisant de penser ? On nous maintient dans une sorte de no man’s land, une paralysie de la pensée, une léthargie répétitive. On nous fait croire que l’arrêt de la pensée vient de l’émotion que nous avons devant les morts, alors qu’il est déjà pris dans une stratégie politique de l’information.

Jeudi 20 septembre

Certains s'inquiète de voir le GFIV perdre son humour tout en affirmant leur soutient à quelqu'un dont nous ne voulons même plus parler mais qui, lui, ne risque donc pas de le perdre parce qu'il n'en a jamais eu. Nous ne nions pas que l'ambiance soit un peu plus lourde du côté de la base secrète. Nous n'aimons pas beaucoup l'humour forcé. Les rires nerveux sont compréhensibles, souvent inévitables. Ils ne constituent cependant pas à proprement parler une manifestation de l'esprit.

Vendredi 21 septembre

Si je vous dis qu'aujourd'hui j'ai fait poser un autoradio dans ma voiture*, parce que l'autre était naze et que je ne supporte pas de rouler en silence, que le garagiste a perdu mes clés de bagnole (véridique), vous aurez une idée de ma journée. Mais même comme ça, sortir, voir du monde, ça m'a fait du bien. C'est dire...

* faute corrigée pour l'inspecteur Th²

Samedi 22 septembre

Sorry...Ce n'est peut-être pas très bien, mais c'est la seule solution pour retrouver un peu de sérénité et de calme. Plus de radio au petit déjeuner, à peine une petite revue de presse (Le Monde, juste les titres), et surtout : pas de télé! L'effet est immédiat. Retour des sensations et donc, à nouveau, possibilité de penser à partir de soi, sans être la caisse de résonance des émotions orchestrées pour les masses. Il se peut que je rate des choses. On me demande : tu as vu la soirée Thema sur l'Afghanistan ? Je répond que je sature. Que j'ai passé la soirée à lire et à écouter tranquillement de la musique. La vérité, c'est que j'en ai marre d'entendre parler de l'Islam, des musulmans et des talibans, du Machinstan et de tous les pays en "stan" dont j'ignorais l'existence. C'est comme si je venais de lire en cinq jours l'équivalent d'un an de Monde Diplomatique. Or, à la différence de Joe, je n'ai jamais aimé lire ce journal qui parle de pays où je ne mettrai jamais les pieds et de problèmes géopolitiques sur lesquels je n'aurai jamais l'occasion d'agir autrement que par des pétitions ;-)

Dimanche 23 septembre

Une fois n'est pas coutume, un peu d'autosatisfaction avec cette phrase un peu obscure mais apparemment flatteuse :

"Si l'on pense qu'un jeu de clef perdu retarde le départ vers un univers infini de possibles qui ne seront de fait jamais que potentiels, alors la vie de Jane Sweet est au seuil d'une route batie sur le modèle de la bande de Moëbius." Jean Claude Sarpi

 

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