Lundi 30 avril

Retour d'une soirée Hip Hop, j'en ai pris plein les oreilles. Inutile de préciser que je suis loin de l'univers des rapeurs. Pourtant, en voyant les mômes sauter en se serrant devant la scène ça m'a rappelé les concerts Punks de ma jeunesse lorsque nous dansions le Pogo en nous arrosant de bière. Même énergie, même refus du monde des adultes, même saine révolte exaltée par les décibels, et même minimalisme musical.

Mardi 1 mai

Je ne regarde que très rarement la télévision. Pas vraiment par conviction anti-spectaculaire mais plutôt à cause de la nullité des programmes. Les rares fois où un film m'intéresse, je programme mon magnétoscope, mais ce dernier est très indocile et il n'obéit qu'exceptionnellement à mes consignes.

Mercredi 2 mai

Encore une polémique inutile avec Fred Forest, qui nous cherche. J'ai conseillé à mes amis du GFIV de laisser tomber : il est vraiment trop lourd, et puis il y a tellement de choses plus intéressante à faire !

Jeudi 3 mai

Journée grise et pluvieuse.

"The blues ain't nothing but a cold gray day, and all night long it stays that way..." Duke Ellington

Vendredi 4 mai

"La pensée technique, autrefois, désenchantait le monde. Aujourd'hui, nous vivons dans l'enchantement de la technique." Finkielkraut, le dernier archaïcoringard.

Avant, il se mettait à faire bon au mois de mai. On sortait dans la rue pour rencontrer des gens, et, certaines années, pour participer à des émeutes. Aujourd'hui, au mois de mai, on a froid, on reste devant son ordinateur et on va draguer sur un chat.

Samedi 5 mai

Est -ce je dois regarder Loft story ?

Dimanche 6 mai

Des bruits désagréables, le dimanche matin, à la radio : des chants religieux, des voix de prêtres.

J'ai toujours été indifférent aux religions. Je ne me suis jamais intéressé à aucune d'entre elles. J'éprouve de la compassion envers ceux qui ont besoin de croire et je me méfie de ceux qui sont persuadés d'avoir trouvé la vérité.

"Il faut être sot pour se mettre en quête d'une loi fondamentale et plus sot encore pour la trouver." Nabokov

Lundi 7 mai

"La question à se poser est : qu'est-ce qui est préférable - le sacrifice au nom de l'autonomie individuelle, ou le sacrifice au nom de l'ordre social (la sur-production rationalisée) ?" Critical Art Ensemble

Mardi 8 mai

Un message de TH nous reproche d'être naifs. C'est vrai. Mais notre prétendue naîveté est un choix philosophique et politique (voir le Manifeste du GFIV), c'est même notre seul programme. Il ne s'agit pas d'une naîveté au premier degré, mais d'un jeu, d'un rôle ludique un peu revival, et qui nous est utile pour résister au cynisme ambiant. Nous préfèrons la naîveté au cynisme, même si ce dernier semble avoir tout pour lui à première vue : le nombre, la raison de la maturité, et les récompenses symboliques qui accompagnent toute adaptation à la réalité. Aucun de nous n'a fait, il est vrai, carrière dans quelle quelque domaine où il aurait pu faire illusion (université, art, médias, littérature, showbiz...). C'est le prix à payer et nous l'acceptons, car nous avons horreur de tous les métiers.

Mercredi 9 mai

J'ai croisé Karl Zéro dans les années 80 lors d'une brève collaboration au journal Actuel. C'était encore un jeune loup, mais on pouvait voir qu'il en voulait. J'avais remarqué que son sens de la dérision ne s'appliquait qu'à certaines cibles et en épargnait soigneusement d'autres. C'était le prototype du pseudo humour complaisant aujourd'hui si répandu chez les laquais du spectacle.

Jeudi 10 mai

J'ai écrit que je regardais très peu la télé : c'est faux. En fait, je la regarde assez souvent, mais éteinte - comme je regarde le fauteuil ou la table lorsqu'ils se trouvent dans mon champ de vision.

Vendredi 11 mai

Lonsesome Pat m'a montré les accords : je peux enfin chanter Sweet Jane dans la version du live 69, celle de Cowboy Junkies. " Heavenly vine and roses seem to whisper to me when you smile "

Samedi 12 mai

J'ai acheté le livre de Garnier, Les coins coupés, avec un vague sentiment de culpabilité. A chaque fois, je crois que c'est la bonne, que j'en ai définitivement fini avec tout ça; et à chaque fois je replonge. C'est le sujet du livre, d'ailleurs. Je l'ai commencé avec des pincettes, en essayant de maintenir la saine distance de l'adulte qui se penche sur les disques de son adolescence. Et très rapidement, j'ai rechuté. Je m'en rend compte à divers symptômes que je connais trop bien, comme de se mettre à préparer fébrilement une cassette pour la voiture avec une thématique Country (de Jerry Lee Lewis à Gram Parsons en passant par une version live de Dead Flowers et même Lonesome Cowboy Bill du Velvet) ou encore plus grave, de s'engloutir dans des vieux magazines qui sentent le grenier moisis.

Dans un coin de ma bibliothèque, il y a une petite pile de livres que je cache un peu, comme d'autres planquent une collection de livres érotiques. C'est là que finira le bouquin de Garnier, où il rejoindra :

François Gorin, Sur le rock, Editions de l'Olivier

Anthony Scaduto, Bob Dylan, Christian Bourgois

Nik Cohn, A wop a bop a loo bop a lop bam boom, Editions Allia (Malaise à la caisse de la Fnac quand la caissière essaie de déchiffrer le titre)

Greil Marcus, Mystery train, images of america in rock 'n' roll music, Plume (Trouvé sous une pile de livres qui s'est effondrée, à la librairire Un regard moderne)

Nick Kent L'envers du rock, Austral

Lester Bangs, Psychotic reactions & autres carburateurs flingués, Tristram (Là aussi il faut du courage à la caisse)

Gilles Verlant, Je me souviens du rock, Actes Sud

Francis Hofstein, Muddy Waters, Actes Sud (offert par Lonesome Pat)

Dan Graham, Rock/music, textes, Les presses du réel (Un livre écrit par un artiste et acheté à la librairie du Centre Pompidou : c'est plus facile à assumer)

Patrick Eudeline, L'aventure Punk, Sagittaire (Volé à la sortie en 78, pas de problèmes de caisses)

Lou Reed, Between Through and expression, selected lyrics, Hyperion

Dimanche 13 mai

Sometimes I think this whole world
Is one big prison yard.
Some of us are prisoners
The rest of us are guards.

Lundi 14 mai

Enfin du soleil et de la chaleur !

Personne n'échappe au poids du conditionnement météorologique cette année !

Mardi 15 mai

Quelques nouvelles du GFIV :

- Bill Térébenthine nous a promis une nouvelle aventure de Charles Trèfort pour bientôt.

- J'ai passé le livre de Garnier à Lonesome Pat. L'effet n'a pas tardé à se faire ressentir : il a ressorti ses vieux Remains, Chocolate Watch Band et autres Seeds. Aïe ! Aïe ! Aïe !

- Joe le Gloseur a disparu dans le maquis électronique où il travaille avec ardeur au livre qui devrait renverser définitivement la domination.

- Quans à moi, si vous lisez ces lignes, vous savez que tout va bien, surtout depuis que le temps s'est amélioré.

Mercredi 16 mai

Vu Downtown 81, avec Basquiat. La période a gagné avec le recul du temps. Sur le coup, le début des années 80 m'avaient parues mortelles et la musique ambiante sinistre - Ce n'était rien, comparé à ce qui allait suivre. Le film est assez mal fichu mais il a le mérite de nous faire faire un voyage spatio-temporel dans la scène alternative new-yorkaise, un saut de vingt ans qui nous laisse un peu hébété, dans un étrange état.

Jeudi 17 mai

"Comptaient depuis nos quatorze ans les mots Rolling Stones et la panoplie accessoire qui les suivait, comme les titres d'album dont nous faisions icônes (dans la pochette de carton, le disque souple de vinyle et son sillon si fin, qu'on faisait avant première écoute briller sous la lampe, et que cela recouvre tant de son). "

Je viens de tomber en surfant sur un site passionnant : Rolling Stones, une biographie, par l'excellent écrivain François Bon. Ce sont des extraits d'un travail en cours. Il cherche le bon angle pour parler de ce que le groupe représente lorsqu'on a passé (comme moi, comme vous ?) des heures à rêver sur des images et des sons. Et il parvient, par la grace de l'écriture, à capter et à restituer cette magie particulière. Je n'ai pas encore tout lu. Je veux déguster ces merveilleux textes en prenant tout mon temps, me souvenir de cette petite salle de cinéma qu'évoque françois Bon et où l'on jouait Gimme Shelter tous les jours.


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