Avec la tournure que prennent les choses, il va devenir de plus en plus difficile de trouver un moment pour écrire. Au pire, je peux toujours transformer le Journal en "blog photo". Plus un mot, rien que le silence des images et un peu de Bill Evans pour ceux qui ne supportent pas le bruit de la soufflerie de l'ordinateur.
mardi 10 mars
J'ai trouvé un bout de papier oublié dans un livre. Au moment où je l'ai identifié, il s'est produit une courte mais intense connection temporelle avec une zone très éloignée. Sur ce bout de papier qui avait tenu fonction de marque page, quelques dessins énigmatiques et un planning hebdomadaire minimaliste qui m'a permis de dater la période avec précision. J'ai soigneusement reposé le bout de papier entre les pages et remis le livre dans la bibliothèque. Puis j'ai franchi la distance qui me ramènenait jusqu'ici.
mercredi 11 mars
J'ai voulu prendre une photo du bout de papier qui m'avait momentanément projetée dans une boucle temporelle. J'ai repris le livre, je l'ai feuilleté. Le papier était introuvable. C'était très troublant. Un peu plus tard, j'ai trouvé la solution de l'énigme : le papier était glissé dans un autre livre, également consacré au cinéma (que j'étudiais alors à la fac). Tout est donc (momentanément) rentré dans l'ordre..
jeudi 12 mars
Feeling
a great sadness today
Don’t wanna indulge it or shoo it away
It belongs
to the whole world
The boys and girls
It ain’t just mine
Like
joy and love, it’s always there
Don’t know how I tune in, don’t
know why that I care
But I can’t pretend
This don’t feel like
the end
And everything is fine
(extrait)
Je ne sais pas où Guy Mercier est allé chercher ce texte superbe.
vendredi 13 mars
Guy m'écrit pour me dire que le texte très beau est tiré du dernier album des New York Dolls. Cette information peut surprendre. Elle tend à renverser un cliché bien établi au sujet des vieux rockers qui retournent au charbon uniquement pour financer leur retraite. Assurément, cela donne envie d'écouter le disque - ce que je vais tenter de faire au plus vite.
samedi 14 mars
Dans une société ultra-compétitive, il importe de bien connaître ses limites afin de ne pas avoir à faire semblant de les dépasser.
dimanche 15 mars
lundi 16 mars
Je ne sais pas quoi dire.
mardi 17 mars
J'ai appris la nouvelle par Paul Amar. Dans l'ensemble, la médiatisation de l'événement par la presse et la télé m'a laissé une étrange impression. Non, moi non plus je n'ai pas oublié la tournée "Play Blessures" avec la chemise à rayures, les lumières blanches et, à la fin, le chanteur couché sur sa guitare au milieu des larsens. La tournée " Passé le Rio Grande" était bien aussi, moins destroy, plus classique. Je ne tenais pas tant que ça à le voir sur scène à la fin. Martine boude - et il y a de quoi.
mercredi 18 mars
Je poursuis ici une conversation amorcée ailleurs. Perso, j'ai eu l'impression de basculer soudain dans un mauvais rêve qui a duré deux ou trois jours, le temps que les médias passent à autre chose. L'hommage appuyé des présentateurs du JT, du show biz, de la presse, du gouvernement et du chef de l'Etat, cela fait beaucoup d'un seul coup. Il s'agit d'une tradition française et il y a de nombreux précédents. Bref, tout cela n'est pas nouveau et heureusement totalement indépendant de la musique, qui reste intacte. Finalement, la date de la tournée Play Blessures pourrait bien être vers 84-85 - si j'en crois quelques vagues souvenirs autobiographiques.
jeudi 19 mars
"Well for instance, if there are shadows and flowers and swampy ledges in a composition, that’s what they are in their essence. There’s no mystification. That’s one way I can explain it." Je trouve rassurant le fait que le rituel du "prochain Dylan" existe toujours aujourd'hui dans une forme actualisée, dénuée de nostalgie.
vendredi 20 mars
Un dessin de Bill Térébenthine s'est glissé dans cette galerie de "women and guns". Saurez-vous le trouver ?
samedi 21 mars
"Un ton ou plusieurs ? Froids ou sanguins ? Lumineux ou sombres ? De l'acrylique pure ou enrichie de poudre de diamant ? Des aplats ultra-minces d'encre sérigraphique ou des empâtements jetés sur la toile, comme des citations de De Kooning ?" Philippe Dagen, dans le Monde, parle de la peinture. Pas des célébrités et du glam, pas des sommes que devaient payer les milliardaires pour se faire tirer le portrait et de toutes ces conneries qu'on a pu entendre et lire lors du lancement médiatique de l'exposition du Grand Palais. On en avait presque oublié que Warhol était aussi ( d'abord ?) un peintre exigeant et lucide. Dagen rappelle très justement que la série chez Warhol ne se réduit pas à la répétition mécanique d'une même image. Ce qui compte, ce sont les variations - comme chez Monet. "Il n'y a pas une image unique et définitive, mais une somme d'aperçus qui se complètent et dont la réunion permet seule d'obtenir une représentation du modèle suffisamment complexe et nuancée pour être juste."
dimanche 22 mars
lundi 23 mars
La photographie qui orne la pochette de Together Through Life est de Bruce Davidson, photographe qui a couvert le mouvement pour les droits civiques dans les années 60. L'image du couple enlacé est tirée d'une série assez rock n' roll consacrée aux gangs de Brooklyn.
mardi 24 mars
Lorsqu'on ne sais pas pourquoi on a commencé une phrase et qu'on se lance au petit bonheur, pour voir, on peut se rétamer lourdement faute d'avoir clairement défini à l'avance l'intention et la finalité. A l'oral, c'est risqué. A l'écrit, pourquoi se priver de ce mode exploratoire ? Si vous constatez que vous n'arrivez nulle part, vous pouvez toujours faire disparaître toute trace d'une simple pression sur une touche.
mercredi 25 mars
Lu hier soir un passage assez drôle dans Contre jour. Un personnage conserve toutes les informations qu'il peut trouver sur les gens qu'il a croisés, même furtivement (ceux à qui il a serrré la main à une soirée, etc.). Ses archives personnelles ont fini par occuper plusieurs pièces de son appartement. Son principal problème : comment faire pour trouver des informations sur tous ceux qu'il ne connaît pas. Il est angoissé à l'idée des espaces vides, terrorisé par l'Inconnu. Sinon, le truc nouveau, c'est que je n'ai plus le temps d'écouter des dizaines de chansons par jour comme par le passé.
jeudi 26 mars
Vu A tombeau ouvert, un très bon Scorsese. Le film démarre au quart de tour dès le générique (Van Morrison pour la bande son) et fonce jusqu'au bout de la nuit et de la folie sans un seul temps mort. La journée qui s'annonce n'a rien d'exaltant mais je n'ai pas vraiment le choix. Je vais me reprendre une tasse de café avant d'y aller.
vendredi 27 mars
Pauvres patrons, trahis par le gouvernement qui a peur d'une révolution. Pauvres ministres, obligés de faire semblant de découvrir la redistribution des profits.
samedi 28 mars
Vu Hombre (Martin Ritt) avec Paul Newman. Et aussi, remis la main sur ce disque. Ce sont les deux bonnes nouvelles de la journée. Je n'en vois pas d'autre, mais c'est déjà beaucoup.
dimanche 29 mars
