lundi 6 mars

J'ai raté "Walk the line", mais il paraît que ce n'est pas génial (ce qui ne m'étonne pas vraiment). Par contre, je crois flairer le bon filon avec Personal File . Des bandes enregistrées en solo en 73, oubliées depuis, et qui ressortent aujourd'hui. Peu importe que l'histoire du fiston qui retrouve la "white tape box " soit une légende ou non : Johnny Cash EST un personnage de légende - ce qui rendait d'ailleurs difficile le projet de biographie hollywoodienne (imaginez une bio de Dylan jouée par un acteur). Mais revenons à Personnal File. Les grands mots sont lâchés. On parle de ses "Basement Tapes". Et apparemment, il y a assez de matériel inédit stocké dans la baraque familiale des Cash/Carter pour assurer la mémoire du man in black dans les années à venir. Au fait, moi aussi je m'habille en noir à chaque fois que je le peux et c'est un hommage à l'anarchie.

mardi 7 mars

Dans l'adversité, les masques tombent. Villepin va se révéler pour ce qu'il est : un homme de caste, crispé, hautain, méprisant, inaccessible. Il y a eu une erreur de casting (et un bon conseiller en image). Le premier ministre a joué quelques temps le rôle du "bourgeois sympa", décontracté. Mais il n'existe pas de "bourgeois sympa" (ou alors tant que les intérêts qui leur sont octroyés par la naissance - les privilèges de classe - ne sont pas mis en jeu). Ceci dit, ils n'ont pas vraiment le choix : c'est l'assurance d'appartenir à une élite supérieure par nature ou alors la culpabilité pathétique (et nécessairement hypocrite) du bobo de gauche.

mercredi 8 mars

Vu à la télé un jeune patron, dynamique et moderne (pas de cravate), qui répondait à une étudiante un peu vindicative : "Cessez de nous opposer. Vous voulez gagner de l'argent ? Moi aussi. Nous sommes dans le même bateau." Et oui, man. L'image du bateau n'est pas mauvaise. Nous coulons ensemble. Mais alors un bateau de croisière. En haut, les premières classes (suites luxueuses, salons de relaxation raffinés). Au milieu, la classe normale (la grande masse de la middle class, up and down). Et tout en bas, dans la soute, les parias en tous genres (ciel bouché, no escape).

jeudi 9 mars

Le problème, ce n'est pas la peur. Le problème, c'est la peur d'avoir peur - et tous les systèmes de protection mis en place pour tenter de l'éviter (croyances, certitudes basiques, application de petites étiquettes inamovibles).

vendredi 10 mars

Sur Internet, on peut jouer tous les rôles . Mais l'expérience m'a appris que ce n'était pas toujours impunément. Alors soyons honnête : je ne suis plus "politisée" depuis déjà un bout de temps (vous pouvez mettre ça sur ma fiche). Il est vain de mimer la révolte juvénile (things have changed). Je préfère me concentrer sur l'instant, l'expérience de l'instant. On veut nous faire croire que la réalité est une chose limitée et ennuyeuse. Mais c'est tout le contraire. La réalité est inépuisable parce qu'elle change à chaque instant.

samedi 11 mars

J'ai passé assez de temps à essayer de me normer. On ne peut pas aboutir lorsqu'on force sa nature. On peut réussir à faire les choses, mais ce n'est pas suffisant. Ce qui est légitimement demandé, c'est une adhésion entière (au moins dans la forme).

dimanche 12 mars

Dernières journées paisibles avant le retour des oiseaux migrateurs.

lundi 13 mars

J'aime bien être tranquille dans mon coin et surtout, que personne ne pense à moi en terme de comparaison, d'envie ou de compétition. Je suis hors-jeu, je ne participe pas à la course. Ne vous occupez pas de moi et concentrez votre attention ailleurs. Merci.

mardi 14 mars

M. de Villepin a l'âme poétique, lyrique même; M. de Robien est ému à la vue d'un ouvrage endommagé. Qu'il est doux de se savoir gouverné par d'authentiques humanistes.

mercredi 15 mars

"La revue Métal Hurlant, la machine à rêver (1975-1987) fut le pendant graphique excitant et glamour de la bande-son très rock and roll pour la génération qui eut 20 ans entre 1977 et 1982", peut-on lire dans les Brêves de René. Et c'est vrai que nous avons passé des heures, vautrés sur des lits, à contempler les dessins de Moebius et des autres, en écoutant de la musique dans des chambres mal aérées. J'ai la collec dans une caisse rouge, que j'ouvre de temps en temps. Alors le "beau livre", c'est pas pour ma table basse. Par contre, pour ceux qui ont croisé la bande à Métal dans les eighties, la vue des photos de la soirée de lancement du bouquin risque de provoquer un choc.

jeudi 16 mars

Une exposition Bill Terebenthine sur Google. A ne rater sous aucun prétexte.

vendredi 17 mars

7h21, le réveil est difficile. Même lorsqu'on habite loin du quartier latin, on a du mal à aller se coucher pendant les nuits d'émeute. On reste à regarder des talk-shows politiques où les djeuns paraissent bien plus mûrs et lucides que les quadras du GFIV (purs produits des dreamin' seventies). De Robien ferait bien également de se coucher plus tôt. Il a l'air fatigué. Cela le rend un peu hargneux.

samedi 18 mars

Il y avait la musique, puissante, urgente, qui semblait surgir à jet continu (nous ne savions pas alors qu'il s'agissait des derniers feux). Il y avait la contemplation des images magnifiées par le rêve. Et puis il y avait la critique de rock (concept seventies pur jus). C'était très important pour nous, teenagers de province, coincés dans des préfabriqués éducatifs jaunes pisseux plantés au milieu des champs de betteraves, de pouvoir élever notre esprit en lisant les textes d'Yves "punk"Adrien, les "Bricoles"de Paringaux, les reportages de Garnier. Certes, ce n'était pas le chemin prévu par la culture officielle pour nous ammener à la littérature.

dimanche 19 mars

Cela faisait un moment que je voulais me construire une bulle spatio-temporelle confortable. J'ai trouvé ce qu'il fallait avec cette sympathique radio spécialisée dans le rock psychédélique (un réservoire inépuisable). C'est frais, enjoué, plein d'optimisme et de tambourin, de choeurs ensoleillés et d'écho. Qui a dit qu'il fallait se contenter de la réalité pas très fun construite par les politiciens et le MEDEF ? Dans certaines situations, la fuite reste la seule possibilité de survie.

lundi 20 mars

"Rumeurs de guerre civile, propagandes, peste, le tumulte des discours et les vociférations sont couverts par la chanson des télex, des radars, des sonars, des telstars et des caméras-lasers..." Claude Pélieu ? Ce nom vous dit quelque-chose ? Burroughs, Ginsberg, Corso... Christian Bourgois, les traductions 10-18, Mary Beach... Remarquez, cela ne nous rajeunit pas non plus : tous sont morts. Il reste des mots, des images aussi. Silo, blog littéraire néo-beat, publie un texte de Claude Pélieu en trois parties.

mardi 21 mars

Suite à un échange backstage sur le "rock français" , j'ai repensé à ça. Peut-être la première pochette de single rock qui soit arrivée sous mes yeux. Les grands de troisième écoutaient ça (et aussi "Whole Lotta Love") sur l'électrophone du foyer. Je traînais dans le coin et je regardais cette pochette comme si elle avait contenu un symbole magique. Ces têtes de bad boys, la longueur des cheveux, le lettrage de titre : tout cela sentait le souffre, les plaisirs interdits, la révolution et la drogue. Je ne sais pas ce que vaut la musique (jamais réécoutée depuis), mais l'image est restée gravée à jamais. Je dédie ce journal aux Variations. Rock on !

mercredi 22 mars

La préoccupation principale reste l'hiver qui n'en finit pas. Le froid vous agresse dès que vous mettez un pied dehors, le ciel est gris et bas et la lumière glauque, les corps sont crispés et les gestes engoncés dans de gros manteaux. Combien de temps allons nous encore le supporter ?

jeudi 23 mars

Le texte précédent pourrait, dans le contexte actuel, prendre une dimension métaphorique (limite "poétique"). Tiens ! Une bonne idée de bootleg pour dylanophiles : les sessions de Blood on the tracks (qui se trouvaient jusqu'ici éparpillées sur diverses compilations et étaient de plus incomplètes). Avec ça, nous pouvons tenir retranchés dans le basement le temps qu'il faudra , en cas d'épidémie, de guerre civile ou d'attaque terroriste.

vendredi 24 mars

Prix de la prudence institutionnelle : le journal le Monde à l'unanimité; Prix de la dédramatisation feutrée : le journal de TF1; Prix de la démagogie bobo ("envoyez vos photos de manif") : Libération et le Nouvel Obs, à égalité; Prix du courage lucide et gaulois : Brave Patrie.

samedi 25 mars

Le rêve ultime de tous les pouvoirs : écraser la DERNIERE insurrection.

dimanche 26 mars

Avec ma note prémonitoire du 7 mars, je pourrais me la péter genre "je vous l'avais bien dit". Mais, même pas. Je crois que j'aurais préféré me tromper; j'aurais préféré que le monde soit moins conforme à cette vision tranchée, plus complexe, nuancé. J'aurais aimé pouvoir appliquer les conseils de cette prof de français au lycée qui me rendait du bout des doigts les brulôts anachistes tenant lieu de dissertation en disant : "Vous apprendrez, mademoiselle Sweet, que la vérité est dans la nuance". Encore une connerie.

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