lundi 24 juillet

Putain, qu'est-ce que ça fait du bien d'oublier son rôle social. C'est le bon moment pour revenir aux fondamentaux. Je parcours le Monde des Livres. Je tombe sur ceci : Sa singularité tient d'abord au fait qu'il "lance de féroces offensives contre le pouvoir, voire contre toute forme de regroupement social. A l'époque des Royaumes combattants, Tchouang-tseu est sans doute le seul penseur à faire pièce de la conception hégémonique de l'ordre et de la nécessaire soumission de l'ensemble des êtres à une instance unique de commandement". Et un peu plus loin : "Quant au ton, au style employé pour rendre cette pensée dissidente, il "procède selon une intuition de la nature comme puissance d'inventivité féconde, agent de modulations infinies, principe inconnaissable et réfractaire à toute définition". All right, man !

mardi 25 juillet

Je pensais à Thomas Pynchon l'autre jour en rangeant ma bibliothèque. Et je me demandais si un nouveau roman était en préparation. Il arrive ! Décembre à New York, 992 pages : il va falloir patienter un moment pour la traduction. Mais l'attente fait également partie des nombreux plaisirs secrets que partagent les pervers lecteurs de Pynchon. Et comme les bonnes nouvelles arrivent toujours par deux (c'est scientifique), on annonce également un nouvel album de Françoise Hardy. Mais toutes les lois scientifiques sont faites pour être transgressées (ce qui autorise le progrès). Voici donc une troisième bonne nouvelle : One Chord Wonders réédite le manifeste séminal d'Yves "sweet punk" Adrien : "Je chante le rock électrique" (1973). Rock on !

P.S. : le nouvel album de Dylan, intitulé "Modern Time", sort dans deux mois (et de quatre!)

mercredi 26 juillet

Pendant les trente glorieuses, les intellectuels critiques étaient nécessaires. Ils avaient pour fonction de montrer l'envers du décor et de pointer la part négative du rêve collectif entretenu par la domination. Mais maintenant que le rêve vire au cauchemar non-climatisé, la société génère sa propre critique à chaque moment de sa représentation. Le moindre sujet du JT (sourire las de Claire inclus) est comme le fragment d'un film situationniste. Alors on regarde ailleurs, on ferme les yeux sur les gros mensonges, on réfrène tout élan critique envers les manipulations grossières, pour aider cette société à tenir encore un peu.

jeudi 27 juillet

I feel like going home. J'ai toujours aimé cette expression que l'on trouve dans les lyrics de blues. Comme pour toute image poétique,on peut y voir différents niveaux de signification. Il y a le retour au village natal, un trip plutôt country et familial qui me laisse assez indifférente. Le cow-boy fatigué rentre au bercail, comme à la fin des romans d'apprentissage lorsque les illusions sont envolées. Mais le retour à la maison peut aussi être une métaphore pour le retour aux racines, lorsqu'après s'être égaré dans la société, on revient à ce qui était là au tout début, mais qu'on avait perdu de vue. Il n'y a pas de lassitude, dans ce retour là, mais une grande jubilation et un débordement d'énergie. C'est ce que raconte le roman d'Herman Hesse que je suis en train de lire.

vendredi 28 juillet

J'ai un petit coup de pompe, là.

samedi 29 juillet

Pas vraiment un lendemain de fête, mais quand même de soirée animée - où l'on parle beaucoup et où l'on se couche tard.

dimanche 30 juillet

Mon disque dur vient de rendre l'âme, emportant avec lui une large partie du patrimoine musical de l'humanité ( dont les deux premiers ? & the Mysterians). En ce moment, je suis sur un ordi vintage avec lequel la marge de manœuvre se trouve considérablement réduite. Bonne nouvelle : la survie du Jane's diary n'est pas en jeu.

lundi 31 juillet

"La normalité a un coût." (Cioran)

Un petit exemple pour illustrer cet adage. Je regardais hier soir une interview bilan de David Bowie en 1997, le jour de ses cinquante ans. Lorsqu'il aborde les années 80, il explique que durant cette période clean et particulièrement pauvre sur le plan créatif, il cherchait par tous les moyens à devenir normal (et mainstream sur le plan musical). Et il tire le bilan de cette exploration, aussi dangereuse que les rôles les plus déjantés des seventies : I can't.

mardi 1 août

Ici, une ode au 45 tours vinyle, signalée par R. C. et totalement approved by Jane's diary.

mercredi 2 août

Willem est l'un des trois dessinateurs préférés de Bill Térébenthine. Il m'a trainée au Centre Pompidou pour voir cette expo et je n'ai pas regretté. D'abord, parce que le regroupement de dessins permet de mieux appréhender le travail de Willem, l'efficacité symbolique de ses images comme l'esthétique de son trait. Ensuite, parce que Bill était heureux et de bonne humeur.

jeudi 3 août

"Il n'est jamais trop tard pour tout recommencer." Pour sûr, man. C'est même la devise du GFIV, en 2006 comme en 2036. Mais qui a dit ça, au fait ? Voyons, ce ne pouvait être que le mystérieux dandy, l'homme qui buvait de la bière brune en jouant au flipper avec Nico, le roi des frimeurs de la nuit : Yves Adrien, l'éternel revenant.

vendredi 4 août

La famille Barrett croule sous les cartes, les lettres et les fleurs déposées par des pélerins. Dans ce monde de brutes, un tel élan est plutôt sympathique . Mais Mrs Breen, la soeur de Syd, est un peu dépassée par l'ampleur de l'hommage (les fans demandent un mémorial à Cambridge). Elle pense que le disparu aurait trouvé ça "highly amusing". "He simply couldn't understand hero worship. One of the reasons he left the music business was because he didn't believe what he was doing was anything so special. That's what happens when someone is gifted; they don't see why everyone else isn't doing what they are."

samedi 5 août

Ces jours-ci, pour me mettre in the good mood dès le matin, j'écoute Robert Johnson. Ce n'est pas flagrant, mais j'ai à chaque fois l'impression qu'il y a un truc qui flotte dans l'air. Quelque chose comme l'âme, la soul, l'esprit du bluesman - appellez-ça comme vous voudrez. Et ce n'est pas tout : l'arbre qui se trouve juste devant ma fenêtre se met à frissonner lorsque résonnent les premières notes, l'air de dire : "Enfin de la bonne musique". Ecoutez Robert Johnson, la musique qui plaît aux arbres !

dimanche 6 août

Le temps retrouvé. Oubliez les tonnes de clichés à deux balles qui s'agglutinent autour de la madeleine de Marcel Proust. L'éternité existe, bordel. C'est la sensation d'un instant dans lequel cohabitent à la fois un présent étrangement réel et, tout aussi palpable, l'émotion revécue non pas en tant que souvenir (la nostalgie, c'est la mort), mais en tant qu'expérience totale d'un présent absolu. Ces jours-ci, grâce à cette disponibilité d'esprit que procurent les vacances, je voyage du côté de mes 16 ans - and it's very nice. Sweet little sixteen forever.

lundi 7 août

Rappel : "Les égéries sixties" de Fabrice Gaignault. Nico, Valérie Lagrange, Anita Pallenberg, Anna Karina, Tina Aumont, Marianne Faithfull, Marie France, Amanda Lear, Dani, Jane Birkin... "Ces filles étaient poétiques !" Nous, ce qui nous fait rêver, ce n'est pas Ségolène et Sarkozi. C'est Pierre Clémenti et Zouzou la twisteuse. Dans les périodes de régression comme la notre, il est nécessaire de se retremper à une source vive, ne serait-ce que pour envisager ce qui a été perdu, ce qui reste à conquérir. Let us dream if we want to.

 

Marianne Faithful - Song For Nico

mardi 8 août

Lorsque je relis des notes déjà anciennes, je suis surprise par un ton vindicatif presque exclusivement dirigé contre les normes collectives. Je tiens à vous rassurer. Avec le temps, l'âge, l'expérience, ce reste de révolte adolescente s'est dissipé pour laisser place à une forme d'indifférence apaisante. Je suis moins sur la défensive. Je sais maintenant que je n'ai pas à me protéger d'une normalisation imposée de l'extérieur.

mercredi 9 août

Mon ordinateur préhistorique est très limité (6Go), mais c'est une expérience intéressante à l'heure de la démesure technologique. Au lieu d'héberger des centaines de disques et de vidéos, il ne contient que les extraits de Modern Times, qui ont été diffusés par erreur sur le site de la maison de disques de Dylan et qu'un lecteur amical m'a aimablement fait parvenir. Autre avantage, comme il est très lent et qu'il faut patienter, je pioche dans la bibliothèque et parcours des livres que j'ai aimés - comme l'excellent Fantômas, style moderne (en photo), que je ne saurais trop vous conseiller.

jeudi 10 août

Il y a ceux qui s'inquiètent. Qui croient que cela prend du temps, demande du "travail". Il n'en est rien. Quelques minutes le matin, pendant lesquelles je note ce qui me passe à l'esprit. Je pourrais aussi bien continuer toute la journée, branchée sur la petite voix qui se tait rarement. Je n'y tiens pas. Je ne cherche pas à remplir la piscine. Je préfère me contenter d'un verre d'eau.

vendredi 11 août

Je pique une citation. « C’est dans l’écriture que se décide ce que je crois » (Musil). Pas mal, je reconnais ce qui m'arrive. Mais comment font ceux qui n'écrivent jamais (en dehors des formulaires ou des textes administratifs) ? C'est un mystère et il serait délicat d'interroger des personnes à ce sujet.

samedi 12 août

Privilège de l'âge ? Je commence à expérimenter de plus en plus souvent un phénomène souvent décrit et qui me paraissait assez abstrait - réservé aux vieillards, en fait. Je communique parfois, de manière fugitive, avec des morts. Un rationaliste se contentera de dire qu'on a pensé à eux (avec une nuance de réprobation, temps perdu, etc.). Mais comme toujours avec les explications strictement rationnelles, cela ne rend pas bien compte de la réalité vécue. Il faudrait dire qu'on a pensé à quelqu'un qui est mort et qu'il (son âme, son esprit, sa "soul"...) est passé tout près de vous l'espace d'un instant. Je suis certaine que des quantités de personnes vivent ça régulièrement. C'est une expérience on ne peut plus banale (et officialisée dans de nombreuses civilisations). Bref, hier après-midi, j'ai "pensé" à Juliet Berto (parce qu'un ami m'a parlé de "Céline et Julie vont en bateau", que je n'ai pas revu depuis un siècle).

dimanche 13 août

J'aime bien créer des rituels, des formules fixes, inventer des rêgles du jeu (ce qui intéresserait probablement mon psy si j'en avais un). Alors là, j'ai décidé que tous les dimanches, il y aurait une image, une citation et un morceau de musique. Ok ? Bon, aujourd'hui, il n'y a pas de citation puisque je mets une présentation. Tout commence pour de vrai à partir de la semaine prochaine. Bon dimanche à tous et à toutes !

 

The Kinks - I'm Not Like Everybody Else

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