lundi 5 juin

J'ai revu les premiers Charlie Hebdo que j'ai achetés (c'est pas de la nostalgie, c'est de l'histoire). J'en avais gardé un meilleur souvenir. Tout n'est pas d'une grande subtilité, c'est vrai. Mais il y a des éclairs de poèsie et de bons trucs sur des sujets toujours d'actualité (comme les riches et les pauvres, le nucléaire, la consommation...). Je trouve que les premières couvertures du mensuel Hara-Kiri ont plutôt bien vieilli, probablement parce qu'elles collaient moins à l'actualité et qu'on y sent l'empreinte du Professeur Choron..

mardi 6 juin

Aujourd'hui, la période gospel :

1. C'est le dernier sujet que les fans ont envie d'évoquer. Non seulement ils ont pardonné, mais ils ont oublié.

2. Dylan lui-même évite le sujet dans son autobiographie sélective. Idem dans le docu No direction home, qui s'arrête avant.

3. Les textes de cette période sont de loin les pires qu'il ait écrits. Des paroles de fanatique pour qui toute ambiguïté a définitivement disparu et qui a vu la lumière de la vérité.

4. Musicalement, c'est lourd mais il y a des moments. La voix est puissante et on a du mal à croire que c'est la même qui se transmutera en croassement inarticulé.

5. La seule excuse serait l'héroïne. Ce n'est pas impossible selon certaines rumeurs, non vérifiées.

6. Morale de l'histoire : l'homme qui avait écrit "never follow leaders" ne pouvait-il en accepter qu'un, le leader ultime ?

mercredi 7 juin

En réponse aux questions que personne n'ose nous poser. Nous ne nous définissons pas comme des "artistes", même si nous accordons une certaine attention à ce type d'activité. Nous ne cherchons pas à atteindre un objectif "artistique". Juste faire ce que nous avons envie de faire au moment où nous en ressentons l'envie. Il n'y a rien à en dire, pas de commentaires à faire, d'explications à donner. C'est pourquoi le GFIV ne tient pas à rendre de comptes sur ce sujet.

jeudi 8 juin

Il y a ceux qui se demandent comment je fais pour trouver quelque chose à dire tous les matins. Je tiens à les rassurer : certains jours, comme aujourd'hui, je n'ai rien à dire. Ce n'est pas désagréable, d'ailleurs. L'esprit vide, ne penser à rien, ne rien anticiper, ne rien se remémorer. Pas un doigt de pied en dehors de l'instant présent.

vendredi 9 juin

Je me tiens au courant, je tends l'oreille. Le problème, c'est que les petits nouveaux se trouvent de fait en compétition avec les pointures qui tournent en permanence dans la playlist de Winamp. Peu, il faut l'avouer, supportent la compétition. Je ne sais pas à quoi ça tient. Le son peut-être, la faiblesse des compositions probablement. Mais le pire, c'est l'absence de fortes personnalités. Résultat : ils finissent généralement par se faire éjecter le jour où il faut faire le ménage dans le disque dur (sélection naturelle).

samedi 10 juin

Parmi ceux qui tiennent le choc, en ce moment il y a le dernier Primal Scream. Ultra classique, stonien à la manière des Black Crowes, mais avec une profondeur et une finesse de son qui nous change de la bouillie servie par les groupes néo-garage qui croient qu'un mixage pourri est gage d'authenticité.

dimanche 11 juin

On peut dire que nous vivons en province, ou encore à la campagne. Je préfère dire que nous vivons dans la nature. Le contact prolongé avec les forces naturelles ne vous change pas de manière perceptible. C'est insidieux et subtil. Vous sentez que vous dérivez de plus en plus, et cependant vous ne faites aucun effort pour nager contre le courant.

lundi 12 juin

L'anarchie a disparu dans le débat public, elle n'est plus représentée. C'est dommage. On ne sait même plus ce qu'est l'anarchie. Ce n'est ni le chaos redouté par les sous-préfets, ni l'art de vivre "libertaire" des bourgeois décontractés. L'anarchie propose une réflexion sur la vie en société qui nous serait bien utile aujourd'hui. C'est le principe même de hiérarchisation (sociale, culturelle, symbolique, philosophique) qui constitue aujourd'hui le problème principal. Tout le reste découle de là.

mardi 13 juin

L'organisation pyramidale étant contre-productive, il faut induire en permanence l'idée d'une nécessité naturelle du principe de hiérarchisation. Toute autre attitude que la soumission à la hiérarchisation serait à coup sûr catastrophique. La non-hiérarchisation entraînerait inéluctablement une chute vers les bas-fonds du sens commun. "Lorsqu'une paire de bottes est placée à égalité avec Shakespear, tout se vaut". Personnellement, j'aime assez que l'on vénère les grands artistes, même avec les aspects ridicules que cela entraîne (foulards et assiettes Cézanne). La non-hiérarchisation ne consiste pas à rabaisser les cimes identifiées, mais à accorder la même qualité d'attention au reste, à ce qui n'est pas étiqueté comme culturellement vénérable - y compris à la paire de bottes.

mercredi 14 juin

Il n'y a pas que les stars, dans la vie. Il y a aussi ceux qui jouent dans des bars miteux devant un public clairsemé. Ils ont connu leur heure de gloire et ont gagné la reconnaissance éternelle des rockers pour leur oeuvre passée, mais le grand public les a complètement oubliés. Dans cette catégorie, on trouve Graham Parker. Une voix qui évoque le Costello de My aim is true et Van Morrison. Et surtout, un paquet de bonnes chansons (là où il excelle, c'est dans les ballades). Croyez-moi, il y a beaucoup de choses à découvrir chez les grands losers du rock n' roll.

jeudi 15 juin

Certains matins, on se remet plus ou moins difficilement de la nuit et de ce qui nous est arrivé en rêve.

vendredi 16 juin

Je suis au seuil d'une journée de merde et ne comptez pas sur moi pour prendre les choses de manière positive.

samedi 17 juin

Finalement, la journée d'hier était riche en expériences diverses et je suis contente de l'avoir vécue. Certains matins, j'en ai assez de l'obligation qui pèse sur nous et qui consiste à nous interdire de penser et de dire que l'hypocrisie et l'absurdité de l'organisation sociale nous donne envie de rester au fond de notre lit avec un bon bouquin. Mais le week-end est là, et tout ceci n'existe déjà plus.

dimanche 18 juin

La belle histoire de la semaine. Pour un kid (14 ans) qui découvre la musique, j'ai fait une liste modestement intitulée "Les plus grands disques du rock". La voici, de mémoire :

- Rolling Stones : "Sticky Fingers"

- Clash : "London calling"

- Bob Dylan : "Highway 61 Revisited"

- Led Zeppelin : "IV"

- Iggy and the Stooges :"Raw Power"

- T. Rex : "Electric Warrior"

- David Bowie : "Ziggy Stardust"

Cela s'est passé la semaine dernière. J'avais fait la liste dans des conditions précaires, à l'arrache. Le môme l'avait rangée précieusement au fond de sa poche. Vendredi, il m'a annoncé qu'il avait "tout trouvé", et ça l'avait bien secoué (surtout les Stooges). C'est beau, je trouve, ce passage du flambeau aux nouvelles générations. Alors, comme c'est un bon élève, curieux et soucieux d'approfondir le sujet, je lui ait concocté la liste ci-dessous.

lundi 19 juin

Ici, au GFIV, nous n'avons jamais cherché à évoluer sur certains points. Par exemple, notre rejet du sport est sans appel. Le spectacle affligeant des hordes de supporters abrutis que l'on peut apercevoir ces jours-ci ne nous incline pas à affiner notre vision. Le sport, c'est bien "de la merde" (comme le chante l'élégant Jacno). Mais aujourd'hui, lendemain de match lamentable pour les "bleus", l'espoir est là. Sortez vite cette équipe de losers, que l'on passe à autre chose.

mardi 20 juin

A l'ancienne (c'est-à-dire pour moi et dans un cahier), je crois que je tiendrais l'équivalent de ce journal en ligne. Je n'écrirais probablement pas exactement les mêmes choses, mais ce serait globalement identique. Avec des lecteurs c'est très bien aussi, mais à condition qu'ils ne soient pas trop nombreux. A un moment, il y a eu une hausse brutale de la fréquentation du site du GFIV, totalement inexpliquée. Nous avons aussitôt pris les dispositions nécessaires pour échapper à ce flux d'origine non identifiée (changement de nom de domaine, suppression de certains fichiers). Nous tenons à rester underground parce que c'est notre manière d'être naturelle. Actuellement, c'est parfait : un club restreint, un peu fermé, réservé au happy few. Ici, les habitués sont discrets, fidèles, parfois exigeants. Ils n'hésitent pas, de temps en temps, à faire part du plaisir qu'ils prennent à lire ces lignes. Que demander de plus ?

mercredi 21 juin

Pierre Guyotat est très radiophonique. Lorsqu'il passe à France Culture, j'arrête tout et j'écoute. La voix, posée et mélodieuse, contraste avec l'âpreté de la pensée, la puissance visionnaire. Guyotat à l'oral, c'est le flux magique du verbe que rien n'arrête et qui embrasse tout - mais tranquillement, sans violence. On rêve d'une émission de nuit (une sorte de "Radio Guyotat") où on le laisserait simplement rebondir sur des interrogations. En remplacement de Macha Béranger ?

jeudi 22 juin

Comme toujours, je commence sans savoir clairement où je vais. Ecrire pour écrire. J'ai remarqué qu'avec un peu de chance, on se branche sur une sorte de flux, un truc qui émet en permanence - mais dans une gamme d'onde ordinairement imperceptible. Il faut laisser tomber les plans de route et se lancer à l'aventure, laisser se dérouler les mots en respectant le ton, et même lorsque les phases semblent ne mener nulle part, ne surtout pas les forcer pour leur donner une signification.

vendredi 23 juin

Primal Scream s'est définitivement imposé comme la bande son de ce début d'été au basement. Dans une des chansons, le refrain fait à peu près ceci :"alright, baby baby, alright". Bobbie Gillespie répète ça comme un possédé, comme si sa vie en dépendait (et le plus étrange, c'est qu'on se sent bien en écoutant cette incantation païenne). Alright-oh yeah-baby-come on ! Ce qui fait la force du rock, c'est sa crétinerie intrinsèque. Donnez-nous notre dose d'onomatopées à forte connotation sexuelle, éructées par des crétins qui laissent parler leurs pulsions sur des rythmes hypnotiques. It's gonna be aaaaaaaaaaaalriiiiiiight !

samedi 24 juin

Sur Internet, il y a assez peu de retour. Aussi ai-je menti en disant que les habitués du journal "n'hésitaient pas, de temps en temps, à faire part du plaisir qu'ils prennent à lire ces lignes". Je m'étais dit que ce petit mensonge susciterait peut-être des vocations. Et ça a marché : j'ai reçu quelques messages chaleureux de visiteurs (dont Lucien Suel, poète et Mathias Richard, écrivain). Par contre, je ne mentais pas quand je disais que ce salon virtuel situé à l'écart était agréablement fréquenté par des gens de goût.

dimanche 25 juin

On pourrait faire un audit du Journal de Jane en recensant les occurences les plus souvent citées. On obtiendrait ainsi une carte subjective du monde où les choses et les gens apparaîtraient en fonction de l' importance que je leur accorde. Une autre approche consisterait à recenser tout ce dont je ne parle jamais. Ce dont je ne soupçonne même pas l'existence (au-delà du monde connu). Les choses que je connais par l'intermédiaire des mots et des concepts, mais dont je n'ai pu faire directement l'expérience (les "confins" du monde). Ce dont je ne veux pas parler (monde caché), tout ce qui a sérieusement tendance à me gonfler. Une fois ces éléments éliminés, il reste le monde de Jane.

 

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