lundi 22 janvier

La page qui s'affiche est la centième. Lorsque j'ai commencé, je ne pensais pas que je tiendrai si longtemps, encore moins que cela deviendrait un rituel nécessaire. Ce que cette expérience m'a appris jusque là ? J'aime écrire et j'aime savoir que vous me lisez. Le passage du cahier à l'écran continue à m'émerveiller, à me stimuler. Let it roll. J'attends vos messages d'amour et d'encouragement, mais aussi les critiques intransigeantes (je reçois surtout des messages de diary addicts).

mardi 23 janvier

Trois choses que j'ai apprises en lisant le dernier numéro du Magazine Littéraire :

1) Pour l'adaptation cinématographique de "Petit déjeuner chez Tiffany", Capote rêvait de voir Holly incarnée par Marilyn Monroe.

2) Bette Davis, à 80 ans, avait sur son canapé un coussin brodé : Old age Ain't No Place for Sissies.

3) Lorsque Mauriac a autorisé la jeune Anne Wiazemsky à tourner avec Bresson, il a dit qu'il aurait aimé être à sa place : "On ne m'a jamais proposé de jouer dans un film, moi !"

Chaudement recommandé (en remplacement de Télérama, le journal qui se substitue à vos désirs).

mercredi 24 janvier

"Ségolène Royal, avant même d'avoir perdu ces ridicules élections présidentielles dont l'issue ne passionne que les imbéciles et les journalistes (suis-je bien certain de vouloir différencier ces deux catégories ?), a perdu, bravement, lamentablement, royalement, le droit de se réclamer d'une tradition glorieuse que chacune de ses paroles maladroites et surtout stupides, que chacune de ses phrases que l'on dirait avoir été écrite par quelque logiciel antédiluvien de traduction ayant perdu toute sa mémoire, que chacun de ses gestes faussement spontanés en si total accord avec une parole aussi dénuée de grâce, affligent d'une taie de misère intellectuelle criante, d'une matérialité invincible et aussi lourde qu'un quintal de plomb, d'un manque de légèreté qui est esprit, d'une pesanteur qui, cette fois-ci et n'en déplaise à Michelstaedter, est rhétorique labile, et faussement vertueuse, et réellement trompeuse." C'est la phrase de la semaine.

Sinon, si vous cherchez quelque chose à lire en écoutant du post-folk dépressif, j'ai ça. " Je suis au Starbuck et je pense à tout ça, perchée sur mon tabouret de bar, avec mon bonnet, les jambes qui balancent dans le vide, attendant sagement que les magasins ouvrent, je pense à une chanson, je bouge la tête un peu, je regarde les gens dehors et les gens dehors ne me regardent plus, parce que, merde, la vie c'est pas Disneyland."

jeudi 25 janvier

Merci pour les messages, dont je tairai le nombre hallucinant mais pas la teneur : "génial, encore bravo, don't stop". Bizarrement, on sent très bien ce qui se passe quand on balance des trucs sur le net. Je ne vais pas développer, mais je suis sûre de ne pas être la seule personne à vivre ça. Il y a une sorte de feed back, complet et précis. Même si, pour le Journal, cela fait un moment que je reçois des vibrations plutôt positives, il est toujours agréable (et sain pour l'esprit) de recevoir des signes tangibles permettant de confirmer une impression somme toute assez vague.

vendredi 26 janvier

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On m'a fait voir Alphaville de force, à l'âge de treize ans, dans un ciné-club de village (séance obligatoire pour les internes). On peut parler d'un traumatisme. Je regarde ce film en ce moment. Ou plutôt, je l'étudie pour essayer de comprendre."Décidément, quelque chose ne tournait pas rond dans la capitale de cette galaxie." Alphaville est l'un des films les plus barrés que je connaisse. Le pari de départ, faire un film de SF en décor réel, donne à chaque plan un climat étrange, menaçant - et traumatisant pour les enfants. La lumière est d'une impressionnante beauté. Les scènes de violence sont malsaines, décalées. Ce film est un tel chef-d'œuvre que son auteur ne s'en est même pas aperçu.

samedi 27 janvier

 

Une belle histoire. L'autre jour, j'accompagnais quelqu'un (comme chez Sarko) à librairie Gibert "sciences humaines". Pas vraiment mon circuit habituel. En entrant, mes yeux se sont posés au hasard sur les rayonnages. C'était le coin des livres autour de Debord (rayon "esthétique"). J'ai remarqué une édition originale des Commentaires soldée à bas prix. Je me suis dit qu'il y avait peut-être des trésors dans le même genre qui m'attendaient dans ce lieu par ailleurs assez déprimant. J'ai tourné un peu en fouillant. Rien d'excitant. Alors j'ai à nouveau exploré le coin de l'IS, plus systématiquement cette fois. Et là, j'ai trouvé ce petit livre, très beau : Fin de Copenhague par Asger Jorn et Guy Debord. La morale de l'histoire ? Je ne pourrais pas la formuler clairement, mais je crois qu'elle est porteuse d'espoir.

dimanche 28 janvier

" Ils allaient s'engager sur le flanc de la butte, quand une voix se fit entendre, comme tantôt la mélopée dans le marécage. " Henri Vernes, L'héritage de l' Ombre Jaune

 

 

lundi 29 janvier

L' idéal artistique d'Yves Klein était de faire la couverture de Paris Match. Ses idées puent le marketing à deux balles. Tout est piqué dans les avant-gardes des années vingt, réduit à l'état de pantomimes destinées à la bourgeoisie cultivée de la rive gauche. Il sert maintenant de modèle académique pour des cohortes d'apprentis artistes. Yves Klein, c'est l'artiste entrepreneur hypercapitaliste par excellence. Gébé, lui, c'était un artiste à l'ancienne, le genre poète révolté. Frédéric Pajak lui rend un hommage respectueux et touchant dans J'entends des voix. Je ne sais pas ce que vaut le reste du livre, je n'ai lu que le passage sur Gébé.

mardi 30 janvier

 

 

Filmed Sept. 23, 1966 by Peter Whitehead. Un cinéaste expérimental au pays du Swinging London, proche des Stones et ami de Syd Barrett, ça vous dit ? Il aurait servi de modèle pour le personnage du photographe dans Blow Up. On le surnomme aussi le "pionnier du clip". Un autre grand disparu du Show ( avec reconversion originale, comme Fred Neil). Je suis curieuse d'en voir plus. Je cherche. Je trouve des choses. Apparemment, ce type a des rétrospectives dans toutes les cinémathèques du monde et je le découvre seulement maintenant. Pendant ce temps, chez les royalistes, c'est la déprime (avec un soupçon de mauvaise foi).

mercredi 31 janvier

Que va-t-il se passer ? Dans mon scénario, elle ne tient pas jusqu'au premier tour. Breakdown ? Sortie de piste ? Manipulations diverses ? Je n'ai pas exactement la cause, mais cela se termine avec une maison de repos et des paparazzi attendant derrière la grille du parc. Bien sûr, il s'agit d'une fiction. Cela ne peut en aucun cas se réaliser dans la réalité.

jeudi 1 février

Littell, le sujet qui fâche. C'est la dernière fois qu'on en parle. Je fait partie de ceux qui ont un malaise. Un jour, lors d'un débat, quelqu'un a dit qu'il y avait un soupçon de canular (particulèrement tordu) autour de ce livre. Je l'ai noté parce que je me suis également posé la question. Le fait que l'on puisse se poser la question du canular est une pièce à verser au dossier, je trouve. Sinon, les critiques du best seller primé ont toutes été regroupées sous l'étiquette "envieux devant les ventes qui écrasent la concurrence". Ce que j'ai lu de plus clair sur ce livre vient de quelqu'un qui caracole également en tête des ventes. Il s'agit de Joann Sfar dans les Inrocks disant que le nazi esthète qui joue du violon le soir en pleurant était une invention sans intérêt. "Un nazi, c'est froid, c'est médiocre".

vendredi 2 février

Il y a toujours des livres que je regrette de ne pas avoir achetés. Je les imagine, c'est pas mal non plus. Il est rare que le vrai livre s'avère décevant par rapport au livre imaginé. A partir des impressions receuillies en manipulant l'ouvrage, en y piochant des passages, on peut reconstituer pas mal de choses. Ce qui se passe le plus souvent, c'est que le livre correspond à ce qu'on avait imaginé, mais en mieux. Parler des livres qu'on n'a pas lus ne présente que peu d'intérêt. Mais imaginer les livres avant de les lire, ça c'est un plaisir d'esthète.

samedi 3 février

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Lorsque Martin Amis assassine des best sellers à la chaîne, c'est cinglant, souvent drôle, mais on a l'impression qu'il déploie une force de frappe démesurée pour une bataille facile - et surtout vaine. En même temps, c'est son côté "sale con", frimeur macho à deux balles, que j'aime bien. Mais là où il est le meilleur, c'est lorsqu'il parle de Nabokov (qu'il vénère). En s'inspirant de la parole du maître, il livre un petit manuel de lecture, une méthode pour aborder la littérature. Laissez tomber toutes les explications universitaires extérieures au livre, éloignez-vous des généralités oiseuses (écoles, courants, etc.), méfiez-vous des idées (ne cherchez pas de messages cachés dans les romans). Concentrez-vous uniquement sur les mots, les phrases, la ponctuation. "C'est ce qu'on appelle le style", enseignait le maître à ses élèves. "C'est la seule chose qui compte réellement dans un livre."

dimanche 4 février

" Je ne faisais de mal à personne et nul ne me faisait mal. J'étais si joliment, si bien retiré à l'écart. " Robert Walser, Petits textes poétiques

 

lundi 5 février

Les royalistes se plaignent du matraquage des mauvais sondages, des photos tête baissée de leur héroïne en couverture. Ils n'ont pas compris que le glam et le trash sont inséparables. C'est la loi du Show. On ne peut avoir l'un sans l'autre. C'était déjà le cas dans le Hollywood fifties, qui constitue un peu le prototype du Le Lay World. Pour une couv' pleine de paillettes, tu dois au minimum t'acquitter d'une photo volée où l'on voit distinctement les bourrelets de cellulite.

mardi 6 février

Avec un fidèle lecteur, nous évoquions l'autre jour le Sollers critique littéraire. Je lui dois la découverte de plusieurs lectures décisives. Je retiens surtout que c'est grâce à lui, par un article dans le Monde des livres, que j'ai découvert Défense de l'Infini, ce texte maudit, renié par le poète d'Elsa (et pour cause !), qui venait alors de sortir en Pléiade. Il y a une légende noire autour de ce texte longtemps caché du jeune Aragon. Il aurait, dit-on, jeté le manuscrit dans une cheminée, sacrifié son grand oeuvre pour sa girl friend du moment - preuve qu'on prenait l'écriture au sérieux, à l'époque. Des fragments auraient échappé à la destruction par les flammes du désespoir. Ces textes, à l'origine incertaine, ont circulé sous le manteau pour quelques initiés du premier cercle. Ils sont difficilement attribuables à l'écrivain ampoulé qu'on a connu par la suite. Ils sont splendides. Mais des goûts très sûrs ne garantissent en rien la réssite de l'entreprise romanesque. Amis a foiré certains de ses livres, Sollers à peu près tous. So what ? Les deux sont d'excellents critiques.

Warning : du lundi au vendredi de 15h40 à 16h sur France Culture, "Comment pousser les bords du monde: Bob Dylan", par François Bon. Les épisodes ne sont pas disponibles sur le net avant un mois. Il faut aller écouter la radio dans la cuisine.

mercredi 7 février

Après une impressionnante série de massacres (Mailer, Capote, Burroughs) où se mêlent mauvaise foi et goût de la phrase qui tue, bel hommage de Martin Amis envers l'écrivain Saul Bellow, dont il dit qu'il est parvenu au sommet de son art à sa maturité. Amis propose de corriger le a de Saul, de le remplacer par un o. Cela ferait "Soul" Bellow, comme l'âme de l'auteur qui transparaît à chaque phrase, dans le choix d'une image, la place d'une virgule. La jubilation que produit la prose de Saul Bellow vient de son point de vue, donc de son style - et donc de son âme. "Prendre note, écrit Bellow, fait partie de ma description du truc. L'existence est - ou était- le truc." "De fait, l'existence est toujours le truc.", confirme Martin Amis. Ce à quoi j'ajouterai : "Y'a pas à tortiller les gars, c'est plus que jamais le truc".

jeudi 8 février

La campagne électorale ? Rien à en dire, rien à en penser. Je crois que je préfère la littérature, le rock, le cinéma ou la bande dessinée, à la politique. En même temps, je ne souhaiterais pas que tout le monde s'en soucie aussi peu que moi parce que c'est malsain pour la démocratie. Donc, ne faites pas comme moi et intéressez-vous aux discours des différents candidats. Je vous fait confiance.

vendredi 9 février

Fait un tour, par obligation, dans la plate réalité rurale. Difficile pour les citadins d'imaginer ce qu'on peut voir dans une petite ville de province des années 2000, bien grise, bien sinistrée. C'est brutal. L'ennui gluant suinte de partout, la laideur aussi. Dès que j'ai pu, j'ai sauté dans ma voiture et j'ai fui cet endroit comme si j'avais fait escale dans la banlieue de l'enfer. Le soir, Mystic River passait à la télé. Une fois de plus, c'est l'art qui a sauvé la journée.

samedi 10 février

"Si Dylan est grand, c’est qu’ainsi à quarante ans de distance une voix, un rythme et trois rimes peuvent vous obséder, aller jusqu’à vous pousser, sinon dans le vide où on bascule, dans une étrange frange où on dirait que c’est le bord du monde qu’on a déplacé. "' Le feuilleton de François Bon est disponible dès le lendemain (on remercie Lucien Suel pour l'info), et non pas au bout d'un mois. J'écoute l'épisode 4, que j'avais loupé. Idéal pour les novices qui voudraient comprendre le buzz autour de ce vieux rescapé des sixties à la voix chevrotante. Les fans, eux, ne s'en lassent pas - même si le terrain a été bien ratissé ces derniers temps. Les révélations deviennent rares, le mystère semble aujourd'hui éclairci en partie, mais attention : il s'agit d'une légende écrite par Bob lui-même. Et on sait qu'il n'a jamais été très pointilleux sur la réalité historique, lui préférant de loin les symboles poétiques.

dimanche 11 février

" Sur la masse de chansons que j'avais écrites et enregistrées, j'en jouais finalement asssez peu. Je devais pouvoir en éxécuter à peine une vingtaine. " Bob Dylan, Chroniques

 

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