lundi 28 mai

 

Oubliez les joggeurs en sueur. Débranchez la machine de contrôle. Concentrez-vous sur le tambourin. Cette information devrait normalement faire l'ouverture du vingt heures (dans la vrai vie) : "Legendary Musician Bo Diddley, who suffered a stroke after casino performances in Council Bluffs, Iowa, earlier this month, has left his Omaha hospital room for a rehab hospital in Florida".

mardi 29 mai

Clint Eastwood sur Arte, l'odeur du jardin après la pluie, le nouveau blog d'un ami et, comme tous les soirs, quelques pages de Kafka avant de s'endormir. Je ne me souviendrai que des belles choses, c'est ma manière de résister. Je la pratiquais déjà en classe lorsque je choisissais la place au fond près de la fenêtre. La vraie vie, c'est lorsqu' on est à l'abris, hors d'atteinte.

mercredi 30 mai

L'image du jour : cette carte représentant l'origine géographique des visiteurs du Journal. Le ricain solitaire et la concentration de l'autre côté de l'océan, c'est assez marrant je trouve. On a encore le droit d'être un peu léger. Tant que le contrôle se limite à ça...

jeudi 31 mai

En 67, c'était le groupe parfait, menaçant et racé - un vrai groupe, pas juste un chanteur star entouré d'accompagnateurs. 1967, c'est l'année où ils ont sorti l'un des plus grands disques de l'histoire de l'univers (The Who Sell Out). Ils étaient uniques, indépassables dans leur genre, réalisant une synthèse inédite et magique entre rock binaire et expérimentation free. Cette vidéo est là pour le prouver. Admirez la grosse caisse de Keith Moon sur le point d'exploser, les amplis défoncés et Pete Townshend sortant des effets de slide d'un pied de micro (image ci-dessus). A montrer dans toutes les écoles pour apprentis rockers.

vendredi 1 juin

Le dernier Patti Smith, un album de covers, m'aide à ne pas lancer de compte à rebours en attendant les vacances (attitude absurde et philosophiquement contre-productive). Je me passe souvent à fort volume sa reprise de Changing Of The Guards. Chanter un texte aussi obscur avec une voix aussi habitée, cela relève du miracle. Sinon, la reprise de Within Without You est très bien aussi - il s'agit il est vrai d'une des très rares chansons des Beatles que j'aime vraiment. Si le reste est plus anecdotique, le disque s'écoute agréablement (Soul Kitchen , Are You Experienced, ne sont pas mal non plus). Pourquoi vouloir accélérer le flux du temps ?

samedi 2 juin

Le samedi, je récupère, je m'économise. Sachez seulement que le dernier numéro du Magazine Littéraire est consacré à Julien Gracq et qu'il contient, en plus d'un entretien passionant et rare avec l'auteur, des contributions d'écrivains que j'aime aussi beaucoup (Michon, Bergougnoux...). Conseillé pour le week-end, à la place de VSD et Paris-Match.

dimanche3 juin

lundi 4 juin

L'erreur, c'est de croire que ce qui est normal pour vous l'est également pour tous les autres. Si vous présentez comme évident quelque chose qui ne l'est pas du tout pour votre interlocuteur, vous le mettez dans une situation gênante. La proximité forcée avec des individus se passionnant pour le sport ou la chasse et ignorant totalement Julien Gracq et Bob Dylan est certainement l'une des raisons majeures qui rendent le travail si déplaisant même quand on se force à être positif. Sur internet, il est possible de choisir librement et par affinité ses interlocuteurs. Je considère que c'est un progrès.

mardi 5 juin

J'ai vécu la rencontre avec l'œuvre de Julien Gracq comme un enchantement. Je l'ai découvert un peu par hasard pendant des vacances au bord de la mer parce qu'on trouvait ses livres au supermarché du coin. J'ai commencé avec La presqu'île. Je l'ai ouvert l'autre jour et j'ai pioché quelques phrases : j'ai retrouvé intact le pouvoir d'envoûtement de cette belle prose magnétique. Il s'agit d'une vibration particulière dont l'intensité reste égale tout le long du récit et qui anime chacune des phrases. En ce sens, il y a chez Gracq une forme de suspens dont les effets ne proviennent pas du récit proprement dit (il ne se passe rien, ou si peu) mais relèvent entièrement du style.

mercredi 6 juin

 

Je baigne dans le bonheur à cause d'une nouvelle qui me met en joie et le bonheur rend toujours un peu con. Tout ce que je peux dire aujourd'hui, c'est que le prochain White Stripes (dont voici un extrait) a l'air bien sympathique. Julien Gracq ? Je ne l'oublie pas. On en reparle demain.

jeudi 7 juin

Julien Gracq par Hans Bellmer

Dans ce numéro du Magazine Littéraire, il y a un article de Enrique Vila-Matas, l'auteur de Battleby et compagnie (livre culte au basement). Il y évoque une "grande science de la perception, dans la lignée de. Kafka". Qu'ont-ils vu, ces écrivains en avance sur l'évolution, capables de pressentir les catastrophes à venir ? Ils ont vu "l'impuissance de l'individu face à la machine dévastatrice du pouvoir, du système politique".

vendredi 8 juin

Nicolas Sarkozy est à la pensée politique ce que le porno est à la rêverie érotique.

samedi 9 juin

L'entretien avec Pierre Michon (toujours dans le même magazine) est intérressant. Le ton décontracté tranche avec la belle langue un peu raide que l'auteur des Vies minuscules utilise dans ses livres. La découverte du Rivage des Syrtes lui a fait "un effet bœuf". Il remarque que la lecture des textes critiques parus par la suite (En lisant en écrivant, Lettrines...) pourrait nous faire oublier le souffle du romancier. "Le Rivage est un bouquin qui est branché directement sur l'Aventure, la grande fiction narrative telle qu'on la rêvait au XIXème siècle." Pierre Michon soulève également la question qui taraude tous les lecteurs de Gracq : pourquoi s'est-il arrêté d'écrire de la fiction dans les années 70 ? A cette question, l'auteur lui-même ne semble pas avoir de réponse. C'est un mystère.

dimanche 10 juin

 

lundi 11 juin

Pourquoi les photos de cul ne font pas rêver ? Ce n'est pas, comme le voudrait une théorie puritaine, le fait de "tout montrer" qui provoque le désenchantement du regardeur. La faiblesse artistique abyssale des productions industrielles est ici seule en cause. J'ai pensé que de belles photographies érotiques, sensuelles et mystérieuses, pouvaient constituer un réconfort salutaire pour les derniers esthètes qui tentent de survivre dans ce monde hyper capitaliste en phase terminale. Ici, vous ne trouverez que de la beauté. Ne me remerciez pas.

mardi 12 juin

 

Sans être à l'affût (les classiques me comblent), j'aime bien découvrir des choses nouvelles. Hélas, je constate que les chocs se font rares dans le domaine musical appelé "rock". Mon dernier groupe préféré s'appelle Backyard Tired Fire. Un joli nom, je trouve. Leur album Vagabonds and Thieves est entré dans le juke box ultra-sélectif du basement. C'est un bon disque de folk-rock - un peu à la manière de Wilco -, varié et plaisant. Sur scène, c'est différent. Ils ne jouent manifestement pas sur leur apparence (look bûcheron canadien) et sonnent comme le cheval fou de Neil Young (ce n'est pas un défaut). Je parie sur eux. C'est largement aussi intéressant que d'aller voter.

mercredi 13 juin

Au début des années 70, j'aimais les chansons de Julien Clerc. Il n'a pas très bien vieilli sur le plan artistique et je l'avais oublié. C'est un papier sur Etienne Roda-Gil, son parolier de l'époque, qui a fait remonter le souvenir de ces textes hermétiques qui me faisaient rêver : Coeur volcan, Adelita, le Patineur, Poissons morts, et tant d'autres. Le secret ? Des gros tubes qui passaient à la radio et en même temps, de la pure poésie avec un fond anarchiste. Et cette manoeuvre assez tordue, quasi-situationniste, était entièrement l'oeuvre de Roda-Gil.

jeudi 14 juin

La Métamorphose correspond pour Kafka à une percée libératrice dans le monde de la littérature (comme l'atteste le Journal de l'année 1912). Le côté "répugnant" du thème est complètement désamorcé par la perfection froide et distancée de l'écriture. Ce que j'avais pris à tort pour une nouvelle désespérée et glauque s'avère un texte de pure jubilation. Il s'agit d'une révélation de taille - et je n'en suis qu'au début.

vendredi 15 juin

Les Stones au travail (comme dans One + One), en pleine période Exile. Le documentaire est en quatre parties sur YouTube. Au programme : deux fois Trumbling Dice, un blues avec solo de Keith, Shake Your Hips, une jam approximative menée par Charlie et une version sublime de Loving Cup. Comme dans le film de Godard, les voir jouer ainsi, concentrés sur la musique, sans le grand cirque scènique (surtout Jagger), est un régal. Les connaisseurs apprécierons.

samedi 16 juin

Le joggeur court par devoir et par mimétisme. Il court avec la peur au ventre parce qu'il craint de se faire rattraper par des plus jeunes qui veulent le pousser en dehors de la piste. Le joggeur pourrait choisir de rester dans son fauteuil avec un bon bouquin et de la musique. Mais il ne peut pas être inactif un instant sans être aussitôt menacé par le spectre de l'ennui. En fait, ce que le joggeur cherche à fuir, c'est son propre vide intérieur.

dimanche 17 juin

 

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