lundi 30 octobre

Une nouvelle page ici, c'est un peu comme un nouveau cahier dans la réalité non virtuelle. C'est idiot en un sens, puisque la continuité temporelle ne connaît pas de commencement. En fait, il ne s'agit pas d'une ligne marquée "new start", mais plutôt d'un point de condensation où tous les moments du temps se trouvent réunis pendant un bref instant.

mardi 31 octobre

The book of the week (for me). Face à une actualité assez chargée, prenons donc un peu de distance théorique avec Mike Davis, qui nous décrit dans ce livre les méthodes utilisées à San Francisco pour gérer les ghettos et leurs inévitables nuisances (guerre des gangs pour le contrôle du marché de la dope, décor rongé par la misère). Mike Davis part des émeutes de 1992, après la libération des policiers qui avaient tabassé Rodney King, et décrit les réactions qui ont suivi. Il anticipe le développement programmé de la mégapole : contrôle social généralisé, vidéo-surveillance, milices privées, abandon d'une partie de la population et repli des classes dominantes dans des bunkers résidentiels. Ce n'est pas de la science fiction et c'est bien plus flippant que Blade Runner parce que totalement réaliste. Tout ça dans un beau petit livre comme savent en faire les éditions Allia.

mercredi 1 novembre

Il y a un combat à mener. Le fait que l'on ne discerne pas bien l'ennemi et que l'on ne sache pas clairement au nom de quoi mener ce combat, c'est ce qui nous permettra d'éviter les visions binaires, la bonne conscience, les certitudes. On peut alors parler d'un combat polétique (à la fois politique et poétique).

jeudi 2 novembre

Si vous aimez le Journal de Jane, vous devriez apprécier celui-là. Cela m'évoque les années de bohème parisienne, lorsque je dévalisais les bibliothèques et passais mes journées à lire. On sent vaguement qu'il y aurait des choses socialement plus efficaces à faire, mais c'est tellement bon de s'enfoncer doucement dans un roman, au creux d'un fauteuil ou dans son lit.

vendredi 3 novembre

Le plaisir un peu tordu du moment : le dernier Who. Ceux qui, comme moi, ont écouté massivement le groupe pendant leur adolescence, y trouveront quelques réminiscences agréables. Mais bon, ça ne va pas plus loin. En même temps, même s'ils ne font plus d'étincelles, c'est assez rassurant de constater que les survivants sont toujours en état de marche.

samedi 4 novembre

"J'ai fini par comprendre que la nullité était le plus authentique critère du rock'n'roll, que plus le boucan était primitif et grossier, plus l'album serait marrant, et plus je l'écouterais longtemps." Lester Bangs

C'est la reconnaissance. Au programme : une biographie de la bête et une alléchante compilation de ses coups de foudre. A l'évidence, l'homme avait du goût. Au fait, sur Amazon.fr, il n'ont mis que les titres. Saurez-vous retrouver les noms des interprètes ?

dimanche 5 novembre

"J'aime la gare de Lyon parce que, derrière, il y a la Seine avec ses berges, avec ses grues qui tournent dans l'air, avec ses péniches immobiles comme des îlots, avec ses fumées qui, dans le ciel, se sont arrêtées de monter." Emmanuel Bove, Mes amis

 

 

lundi 6 novembre

Finalement, le disque des Who est geignard et chiant (un disque de vieux, quoi). Une brume épaisse composée de goulettes blanches stagne au-dessus du jardin depuis deux jours. Hier soir, vers 22 heures : panne d'électricité, bougies, basement coupé du reste du monde, et par la fenêtre, le jardin dans le brouillard éclairé par la pleine lune. Ce matin, l'électricité était revenue. J'en profite pour écouter Bill Evans. Tout va bien.

mardi 7 novembre

Je lis Journal de Trêve le soir avant de m'endormir. Comme ça, j'espère faire de beaux rêves et oublier un peu les créatures menaçantes qui peuplent nos journées. Sachez déjà que Sollers n'exagère pas. C'est brillant, désespéré, élégant (cela se passe pendant les années Palace). Et surtout, on assiste à une chose rare : la naissance d'un roman. On le voit surgir, d'abord par fragments (une phrase, une réplique, un aphorisme), puis dans des scènes qui se précisent petit à petit. Si vous aimez l'écriture de Jean-Jacques Schuhl, alors vous pouvez lever le nez du Prix Goncourt et foncer.

mercredi 8 novembre

En lisant le livre de Mike Davis sur Los Angeles, je pensais à nos clichés, issus d'un imaginaire collectif soigneusement entretenu. Comment font ces images dépassées pour durer et occuper toujours le centre de nos représentations ?

jeudi 9 novembre

C'est l'aveu qui tue. Nous recevons Télérama au basement. Je n'aime pas trop regarder la télé, mais je dévore les programmes avec un grand plaisir. Dans la partie magazine, il y a beaucoup d'articles qui laissent un vague malaise. Soit on n'a pas envie de lire (rien que le thème, le ton...), ou alors on lit et on n'est pas convaincu. Je sauve quand-même la chronique de François Gorin, à la dernière page (j'ai mis longtemps avant de la repérer). Mais dans l'ensemble, j'essaie de me préserver.

vendredi 10 novembre

On pense à plus tard, lorsque les commentateurs politiques se pencheront sur ce début de campagne en se demandant : mais pourquoi n'avons-nous rien vu venir ?

samedi 11 novembre

J'écoute Blind Willie Mc Tell. Je n'avais pas écouté de blues depuis un moment. L'effet que produit cette musique sur l'auditeur est étrange. A un stade, vous n'avez plus besoin de rien d'autre, vous êtes simplement envouté. Est-ce le fait d'avoir envie d'en écouter qui est le symptome d'une amélioration de l'état général, ou bien ces vieux enregistrements dégagent-ils un effet bénéfique ?

dimanche 12 novembre

"Il me semblait vraiment, parfois, au milieu de ces gens cultivés, que la nature humaine se fût dissoute dans l'effrayante diversité du règne animal. Ici comme partout, c'étaient les hommes qui se montraient le plus délabrés et dégradés."

Hölderlin, Hypérion

 

lundi 13 novembre

 

Pourquoi ne pas commencer la semaine dans des conditions favorables, avec Cat Power ? Elle a la grâce. C'est une chose qui ne s'imite pas et que l'on ne peut feindre longtemps - même avec le soutien des médias, de la presse et des instituts de sondage.

mardi 14 novembre

"Le sentiment d'insécurité du dealer". Ce beau titre a attiré ma curiosité. Il s'agit en fait d'une enquête sociologique (dont le titre exact est un peu moins poétique), enquête qui s'avère passionnante. Une fois passées les justifications méthodologiques d'usage, on entre assez vite dans l'ambiance. On se retrouve dans un monde tendu, menaçant, où la violence peut éclater à tout instant, et où l'on ne peut compter que sur soi-même. J'ai pensé au film "Les affranchis" et aussi à ce livre de Mike Davis sur les banlieues de San Francisco. Not so far away...

mercredi 15 novembre

Les chefs indiens vaincus par des cow-boys abrutis et cupides avaient raison. Ils ont eu la vision prémonitoire de l'auto-destruction inéluctable de l'homme blanc. Et même si on trouvait ces vieux sages sympathiques avec leurs visions poétiques, on ne pensait quand même pas que cela viendrait si brutalement et dans une indifférence quasi-générale.

jeudi 16 novembre

Peut-être vous sentez-vous las de ce monde où tout ce qui génère des bénéfices est permis, où le goût sulfureux de l'interdit semble à jamais envolé ? J'ai ce qu'il vous faut. Un livre censuré pendant l'été, retiré des librairies, bientôt en procès. Et n'allez pas penser que Claire et TF1 soient des sujets futiles. C'est le cœur de la cible, au contraire. On en a ici la preuve. Dans cette vidéo, François Bayrou est interviewé juste après sa convocation dans le bureau de Patrick Le Lay. Il accuse le choc et ne cache pas que l'entrevue fut brutale. Mais, comme c'est un battant, il essaie de regarder le côté positif de l'expérience. Il aura compris des choses au passage. Il sait maintenant où est le pouvoir et connaît exactement les limites de son terrain de jeu.

vendredi 17 novembre

Richards est cuit, il ne finira pas comme les vieux bluesmen qu'il vénérait (et ce n'est pas seulement la faute de la noix de coco). Jagger et Bowie font du business - une forme d'art, certes, mais assez éloignée de ce en quoi nous avions investi nos pulsions adolescentes. Lou Reed surnage entre deux eaux (il a toujours été assez difficile à cerner). Dylan est à peu près le seul vétéran des sixties à ne pas nous coller des regrets honteux. Les autres doivent vivre reclus dans leurs villas, stores baissés, ravagés par la dope et les groupies, se repassant les souvenirs envapés de leur gloire passée.

samedi 19 novembre

A partir du moment où vous attendez que l'on vienne vous dire du bien de ce que vous faites, vous mettez le doigt dans un engrenage dangereux.

dimanche 20 novembre

" La différence entre le réel et l'irréel, l'inestimable privilège du réel, c'est qu'il y a moins de réalité dans la réalité, n'étant que l'irréalité niée, écartée par l'énergique travail de la négation et par cette négation qu'est aussi le travail." Maurice Blanchot, Le livre à venir

 

 

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