lundi 1 janvier

Tout est à notre disposition, tout ce qui manquait à nos prédécesseurs qui ne connaissaient que les bulletins mal ronéotypés diffusés dans la rue. Nous sommes mieux équipés que jamais pour communiquer et faire circuler les idées. Nous pouvons même nous rassembler sur des objectifs ponctuels sans avoir à subir une promiscuité parfois pénible. Alors, où est le problème ?

mardi 2 janvier

J'ai terminé l'année 2006 le nez dans Muray, maudissant mon époque. En 2007, c'est promis (sur la tête de Finkielkraut), j'essaierai d'être moins systématiquement dans la critique négative. Après tout, pourquoi se mettre de mauvaise humeur ? Toutes les époques ont eu leurs financiers implacables, leurs politiciens arrivistes, leurs artistes officiels, leurs notables véreux. Pourquoi passerions-nous au travers ?

mercredi 3 janvier

Vu un docu ("Get up stand up", Arte) consacré à un thème amusant : le rock n' roll et la révolution. C'était pas trop mal (pour de la télé franco-allemande), mais un peu naze quand même et souvent légèrement déprimant sans que je sache pourquoi. Heureusement, à un moment il y avait des images du MC5 sur scène. Kick out the jams, motherfuckers ! Fred "Sonic" Smith n'était pas seulement un guitariste incendiaire, il avait également un jeu de scène qui pulvérisait tout. Rien que pour lui, ça valait le coup d'attendre une heure du matin. Wayne Kramer (l'un des derniers rescapés du MC5) était interrogé, tout comme Ed Sanders des Fugs. Pour Wayne Kramer, le fait d'associer groupe de rock et critique sociale radicale, le projet d'unifier ça avec le mouvement pour les droits civiques, "ça leur foutait vraiment la trouille". Ed Sanders, lui, ne comprend pas bien pourquoi il n'existe rien d'équivalent aujourd'hui. C'est juste que les temps ont changé, man.

jeudi 4 janvier

Les premiers mots-clés de l'année.

1 4 15.38% julian casablancas
2 2 7.69% blind boy fuller
3 2 7.69% charlie hebdo
4 2 7.69% comix
5 1 3.85% annee sexy
6 1 3.85% beggars banquet
7 1 3.85% burning spear
8 1 3.85% cagoules
9 1 3.85% charley patton
10 1 3.85% contre culture
11 1 3.85% cyber comix
12 1 3.85% free comix
13 1 3.85% jane dans les fugitifs
14 1 3.85% janvier sexy
15 1 3.85% oiseaux migrateurs
16 1 3.85% patti smith
17 1 3.85% robbe-grillet le thème de l'attente
18 1 3.85% robert frank
19 1 3.85% sons vibrations formes
20 1 3.85% traduction bob dylan things have changed

Le rock, le blues et les comix, les oiseaux migrateurs, les cagoules et le thème de l'attente, je ne vois qu'un mot pour résumer : 2007 sera sexy.

Un cadeau (pendant que le Gloseur ne regarde pas) :

Velvet Underground - 1966 Acetate LP

vendredi 5 janvier

Jean Eustache par Jean-Jacques Schuhl, Jim Jarmusch, Philippe Katerine, avec en prime des extraits d'un de mes livres cultes (thank you René for the link !)

"J'ai peine à imaginer deux personnes aussi passives et capables de ne rien faire si longtemps, strictement rien, une longue torpeur dans les bars, que Jean Eustache et moi, du moins en Occident. Non ! C'est pas juste : il jouait, au baccara, beaucoup ! Et puis les filles... beaucoup... de tout : des belles, des moches, des travelos du Bois... N'importe... En rentrant fauché du baccara... Et il a fini par faire un ou deux films. Moi, très longtemps, j'ai continué à ne rien faire. Là-dessus, c'était quand même moi le plus fort, qui ai tenu le plus longtemps. C'est ce qu'il appréciait en moi, je crois, cet aspect ascétique, plus nul que lui."

Jean Eustache par Jean-Jacques Schuhl

samedi 6 janvier

J'écris sur mon nouveau portable, ça change tout. En fait, j'ai perdu une partie de mes repères (dont la souris). Je découvre des images plus nettes, lumineuses et glaciales. Et puis il y a le clavier, silencieux, discret (clic, clic). On s'éloigne toujours un peu plus de la machine à écrire.

dimanche 7 janvier

" Tout va bien, répéta Annie, alors qu'ils montaient se coucher tous ensemble, voilà ce que j'aime entendre à la fin d'une aventure : tout va bien." Enid Blyton, Le club des cinq et les gitans

 

Reverend Horton Heat

lundi 8 janvier

Les choses sont perçues à partir de nos anciens schèmes, qui se trouvent ainsi confirmés (en apparence) par l'environnement. C'est la boucle infernale. Comment accéder à de nouveaux points de vue ? L'activité (et plus particulièrement, me semble-t-il, l'activité créatrice - qui n'est pas nécessairement "artistique") permet ce déplacement plus facilement que la réflexion. Car on ne "comprend" rien à l'issue d'un raisonnement : on apprend sans l'avoir cherché, par flashs, directement dans l'expérience.

=> Message aux abonné(e)s : un bug sur les messageries Orange ne permet pas d'envoyer la "Semaine"...

mardi 9 janvier

"La question n'est pas de savoir si les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d'une manière qui leur échappe". Pour se mettre en condition au moment de la reprise, que diriez-vous de quelques films expérimentaux hélas absents des programmes télévisés ? Ici, vous pourrez visionner Critique de la séparation et d'autres films arty plus ou moins cultes (comme les détournements de Vienet). Installez le plugin et éteignez la lumière. Dépaysement garanti.

mercredi 10 janvier

J'admire le stoïcisme de nos intellectuels, leur sens de la discrétion, à un moment où il suffit de lever le nez de sa coke pour trouver un motif de révolte à la Voltaire/Zola (les saints patrons de l'engagement). On dira qu'ils n'ont que peu de mérite, arguant du fait qu'il serait peu crédible de débouler de Saint Germain-des-Prés pour haranguer les victimes de la domination capitaliste. Ce n'est pas un argument : on sait que cela n'a jamais troublé Sartre ou Foucault. Non, il faut croire que nos intellectuels sont extrêmement zen (qui a dit compromis jusqu'à l'os ?).

jeudi 11 janvier

Je crois vaguement savoir pourquoi je ne participerai pas au jeu auquel Lucien Suel m'a aimablement conviée. J'y ai pensé en écoutant une chanson intitulée Why don't we disappear ? La rêgle du jeu est hélas incompatible avec la tentation de l'effacement, le goût de la disparition, que Walser appelait "l'envie de n'être rien". Ce qui nous fait une chose peu connue au sujet de Jane.

vendredi 12 janvier

Puisqu'on en parle sur Foire à tout, je vais cracher le morceau : j'ai lu quasiment l'intégrale de la Recherche. C'était pour moi un vieux rêve adolescent, du genre "cinq trucs que je veux faire dans ma vie". Et celui-là, je l'ai réalisé. Cela se passait il y a une dizaine d'années environ. J'avais entièrement organisé ma vie autour de cette activité. Les conditions étaient réunies : désoeuvrement, temps libre à gogo, confort matériel. L'ennui. était souvent au rendez-vous, mais c'était un bel ennui. Vers la fin du Temps retrouvé, j'ai eu une sorte d'illumination, très belle. Je me demande si cela aurait été possible, avec une telle intensité, si je n'avais pas lu tout ce qui précédait. Cela fait deux.

samedi 13 janvier

Tout compte fait, ce jeu est très bien. Il m'amène à retrouver des souvenirs que j'avais perdus, comme celui du pick-up rouge. A l'âge où les kids de 2007 nagent dans l'hypertechnologie, vers 15 ans, j'avais un pick-up complètement pourri. C'était le modèle "mallette", qu'on pouvait replier pour emmener "n'importe où" (déjà l'esprit mobile). Ce truc rouge avait un son en-dessous de tout, même au regard des critères peu exigeants de l'époque. Il avait également tendance à tourner trop rapidement. Je coinçais la manette à l'aide d'un coupe-papier pour ralentir la vitesse, mais cela restait assez empirique. A signaler : c'est sur cette casserole que j'ai découvert Beggars Banquet et tous ces disques dont je vous entretiens ici régulièrement. Comme quoi...

dimanche 14 janvier

"Deux mois se passèrent ainsi. Cette vie domestique, jadis si monotone, s'était animée par l'immense intérêt du secret qui liait plus intimement ces trois femmes." Balzac, Eugénie Grandet

 

lundi 15 janvier

Une chose assez peu connue. J'ai découvert la bande-dessinée avec une collection du journal Tintin qui avait appartenu à un cousin plus âgé. J'ai appris depuis que c'était vraiment la grande époque du journal. Dedans, il y avait Black et Mortimer, Chick Bill, Corentin, Dan Cooper, Michel Vaillant, tous les classiques du Lombard, sans oublier Tintin himself. Je revois la remise où reposait la pile de journaux abandonnés, le tas de bois où j'aimais m'installer pour lire les jours de pluie, le chien qui me tenait compagnie.

mardi 16 janvier

Le meilleur pour la fin (c'est la cinquième, et celle-là, je ne n'en ai parlé à personne). J'ai assisté une fois dans ma vie à un meeting de Nicolas Sarkozy. Inutile de préciser que j'accompagnais quelqu'un. Pour être exact, il s'agissait d'un meeting commun Sarkozy/Bayrou, pendant la campagne pour le référendum. Il y avait beaucoup de gens d'un certain âge, professions libérales, chefs d'entreprise ou cadres; et aussi quelques étudiants en droit parfaitement débiles. Je sentais bien que je cassais l'ambiance du groupe en ne me levant pas pour applaudir lorsque le chef stigmatisait les paresseux et exaltait la valeur travail. La personne que j'accompagnais m'a dit avoir vu Sarkosy parler furtivement à l'oreille de Bayrou et faire un geste dans ma direction.

Voilà, j'ai fini. Pour les invitations, disons l'équipe de Le R*ck est m*rt.

Et maintenant, un peu de détente.

mercredi 17 janvier

Un grand moment d'humour involontaire : ce docu où des neurobiologistes enferment des moines bouddhistes dans des caissons en leur demandant d'y méditer ou leur font passer des tests ineptes avec le crâne couvert d'électrodes. En terme de "découverte", la récolte est maigre. Les moines, eux, se marrent. Et puis, il y a ce vieil ermite dans sa cabane, qui vire toute l'équipe venue l'emmerder dans sa retraite en leur disant que "l'esprit ne se mesure pas". L'un des scientifiques prétend que cette rencontre les a impressionnés. Puis on les voit reprendre imperturbablement leurs expériences ridicules.

jeudi 18 janvier

Amateurs des Cramps et de la réverbération, je vous invite à vous pencher sur l'orchestre électrique baptisé Reverend Horton Heat. Voix et guitares : OK. Racines blues et rockab' : assimilées. Après les faux messies, peut-être le VRAI "retour du rock" ?

vendredi 19 janvier

Ce soir-là se tenait une réunion de la dernière chance dans les locaux du groupe Le Monde-Télérama. Les participants avaient trois jours pour plancher sur deux questions. La première, "A quoi servent les journalistes ?", ne provoqua aucune réaction. Les visages étaient livides, personne ne voulait prendre la parole. Alors Colombani le visionnaire leur a donné une mission à la hauteur des "formidables enjeux " : les journalistes servent à guider le peuple égaré dans la jungle anarchique de la médiasphère en expansion. Le journaliste éclaire ce qui est digne d'intérêt et dit ce qu'il faut en penser. La deuxième question, "Quel avenir pour la presse écrite ?", ne fut pas abordée.

Samedi 20 janvier

Le Lay et ses potes pensaient pouvoir lancer leur candidate comme on lance n'importe quel produit (tout passe par le cerveau disponible). Mais en s'identifiant au personnage de vierge glam, leur création leur a échappé. Elle a franchi le miroir fatal du Spectacle. Plus dure sera la descente. Pour l'instant, le Show ressemble à une comédie américaine sur le pouvoir et la guerre des sexes. Notez que l'on peut changer de registre à tout moment. C'est du moins ce que j'essaie de me dire pour que le film conserve un semblant d'intérêt.

dimanche 21 janvier

" La voiture arriva tous phares éteints, silencieuse, et quand ils s'en aperçurent elle s'était déjà garée le long du trottoir en une manoeuvre parfaite, la fenêtre à demi baissée, le noir à l'intérieur, impossible de distinguer l'occupant, seulement le canon d'un pistolet pointé sur eux qui se déplaçait imperceptiblement, à petits coups, les visant l'un après l'autre comme s'il ne savait lequel choisir pour tirer. " Antonio Tabucchi, L'ange noir

 

 

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