lundi 7 avril

C'est le début des vacances, il fait un temps pourri et cela me convient parfaitement. Je suis sur les genoux, crevée, lessivée. J'ai besoin d'un break mais je n'ai pas envie d'interrompre le Journal. Au GFIV, on ne badine pas avec la valeur travail, le sens de l'effort et de la rigueur.

mardi 8 avril

J'ai des propositions à faire concernant les économies dans la fonction publique. Je tiens à la disposition des ministres concernés une liste de parasites qui ne servent à rien et qui peuvent s'avérer franchement nuisibles lorsqu'ils s'aventurent à agir (ce qui, heureusement, se produit très rarement). Actuellement, ils se serrent dans leurs petits bureaux en espérant qu'on va les oublier près de la corbeille à papier. Je propose un redéploiement sur le terrain, là où les besoins sont criants, au contact direct avec les populations sinistrées.

(Image trouvée au carrefour étrange)

mercredi 9 avril

Grand spectacle télévisuel, l'autre soir. Des scènes incroyables, dignes de Hunter S. Thompson. Lorsque j'ai vu sur mon écran un officiel chinois en Rayban, engoncé dans son costard noir, surgir de sa limousine et s'agiter dans tous les sens, portable à l'oreille, au bord du pétage de plomb, alors là, pendant une seconde, j'ai été proud to be french. A part ça, je pense que vous savez qui a eu le prix Pulitzer...

jeudi 10 avril

Les vacances commencent pour de bon. J'ai passé le sas de décompression. Reprise des activités, au bon rythme. Les idées viennent sans forcer, pendant que je passe la tondeuse ou que je surveille un feu. J'ai rentré l'intégrale des enregistrements Chess de Chuck Berry dans le méga jukebox du GFIV. Je ne vois rien d'autre à signaler pour aujourd'hui.

vendredi 11 avril

Je ne sais pas pourquoi, je le sens bien ce début de printemps hystérique.

Image by Daniel Kramer (thank for the link)

samedi 12 avril

Bien sûr que c'est très intérressant, cette intégrale Chuck Berry. Cela permet de replacer les standards dans le contexte artisanal du songwriting pratiqué par Berry durant sa grande période. On découvre d'autres morceaux moins connus qui auraient aussi bien pu avoir une carrière à la Little Queenie. Quelque trucs sentent le remplissage, avec texte repiqué et musiciens en roue libre. Mais Berry est tellement cool, et ses accompagnateurs de chez Chess tellement bons, que tout passe sans problème. C'est ce qu'on appelle avoir du style.

dimanche 13 avril

" La confondante réalité des choses

Est ma découverte de tous les jours.

Chaque chose est ce qu'elle est

Et il est difficile d'expliquer à quiconque à quel point cela me réjouit,

Et à quel point cela me suffit. "

Fernando Pessoa

lundi 14 avril

J'ai parlé l'autre jour du plaisir que j'ai pris à la lecture de la correspondance du grand Hunter S. Thompson. Du coup, j'ai replongé dans Las Vegas Parano. Ce bouquin est un énorme trip, hilarant et énergétique, que je recommande à tous ceux qui se sentiraient un peu low down. "AAAOOH, MAMA, CELA VA-T-IL DONC ENCORE DURER LONGTEMPS, D'ETRE AU FOND DU FOND A VEGAS, AVEC LA PSYCHOSE AMPHETAMINESQUE QUI N'EN FINIT PAS ?", c'est le titre du chapitre 11 (On peut entendre d'ici le traducteur en train de s'arracher les cheveux). Et le plus fort, c'est que ce chapitre tient toutes ses promesses, comme le reste du livre. J'annule toutes les conneries que j'ai pu dire sur Thompson et la fiction. Ce roman est une parfaite réussite.

mardi 15 avril

Les fidèles lecteurs savent mon attachement à Jean-Patrick Manchette, au Petit bleu de la Côte Ouest et à la Position du tireur couché. Aussi est-ce avec une grande joie mêlée d'impatience que j'apprends la parution de son Journal le mois prochain chez Gallimard. Par ailleurs, je suis ravie de savoir que Lucie+ s'est "branchée sur Jean-Jacques Schuhl" à cause de wouam.

mercredi 16 avril

Je n'écoute pas de blues contemporain, mais j'aime bien celui-là. Ce n'était qu'un préambule, une entrée en matière, avant d'attaquer le coeur du sujet. Je voulais parler d'un entretien avec Bernard Stiegler. C'est dense, un peu long, mais beaucoup de sujets importants sont abordés, comme ceci : " Ce qui est nouveau, c’est que le contrôle, moins social qu’industriel et computationnel, s’exerce pour la première fois via la culture - mais d’une façon paradoxale, parce que ce calcul réduit toutes singularités à des particularités. Il touche le sensible et informe l’affect des individus : c’est ce que Gilles Deleuze nomme, dans la suite de William Burroughs, les sociétés de contrôle, soit un nouvel âge du contrôle social qui passe essentiellement par le marketing." Bernard Stiegler : Culture contrôle Je vous en reparle un jour, quand vous l'aurez lu.

jeudi 17 avril

L'attention aux détails, c'est ça le truc. La plupart des maladies dites "de la mémoire" ne sont en fait rien d'autre que les séquelles d'une attention déficiente. On se retrouve dans un monde gris, plein d'étiquettes délavées qui renvoient à d'autres étiquettes parfaitement classées. Pessoa dit quelque part que vivre ainsi, c'est vivre une vie qui n'est pas vraiment vécue.

PS : Je n'ai aucune idée de ce que peut être la musique de ce groupe français des eighties, mais leur pochette est OK..

vendredi 18 avril

Mes lecteurs sont formidables. Alors voilà : Warum Joe était un groupe "punk tendance synthétique" (on dit aussi "cold wave"). J'avoue être complètement passée à côté de ce mouvement dont le son me déplaisait fortement. Quoi qu'il en soit, thank you so much, Damien.

samedi 19 avril

J'attendais une émission sur France Culture où l'équipe de Chimères devait présenter la revue crée par Deleuze et Guattari quand je suis tombée sur un type bizarre, un dessinateur qui raconte sa vie sur un blog. Il expliquait qu'il prenait des notes pour s'assurer de ne raconter que des "choses vraies" (mouarf!). Juste après, Stéphane Nadaud a à peine eu le temps de présenter le prochain numéro de Chimères. Nous en reparlerons certainement parce qu'il y a un gros scoop autour de ce numéro à paraître en mai. Dernière minute : « Bring Me The Head Of Paul McCartney On Heather Mills’ Wooden Peg (Dropping Bombs On The White House) », c'est le premier titre du nouvel album de Brian Jonestown Massacre. Nous sommes en 2008, le printemps est là, tout est encore possible.

dimanche 20 avril

lundi 21 avril

C'est la reprise. Avec les jours fériés et les grèves, je pense que ça devrait le faire. De toute façon, je m'en fous, j'ai passé des vacances très enrichissantes. J'entendais l'autre jour un économiste qui expliquait que ce type de richesse (plutôt du côté de l'être, que de l'avoir) est devenu aujourd'hui le luxe ultime, not for sale.

mardi 22 avril

J'ai du mal à finir les choses. Je lutte de toutes mes forces, mais c'est difficile. Une fois que j'ai balancé les phrases du jour dans le Journal, je sais qu'il y a au moins ça de fait. Cela m'aide pour aborder les projets à peine ébauchés, les chantiers en cours, sans parler de l'herbe qui ne cesse de pousser et qu'il faudra tondre avant qu'il ne soit trop tard.

mercredi 23 avril

Monsieur le Responsable de la Police, des Bonnes mœurs et de l'Identité nationale sur Internet, sachez que l'illustration ci-dessus est ce que j'ai pu trouver de moins choquant sur ce blog où le porno rétro (avec de forts relents de subversion soixante-huitarde) le dispute au mauvais goût le plus indéfendable (couvertures de vieux polars de Léo Mallet présentées comme des oeuvres d'art). A l'heure du juste retour de la morale sur les tableaux noirs de nos chères écoles, j'espère que vous saurez éradiquer au plus vite ces viles invitations à la débauche sensuelle et à l'incivilité intellectuelle. Tout mes encouragements pour la difficile mais exaltante tâche qui vous attend.

jeudi 24 avril

Je m'occupe du Journal maintenant, à 23:08, parce que demain matin je ne sais pas si je serai disponible. J'aurais aimé vous écrire un poème sur la promenade du soir. C'était splendide. J'ai marché au bord de la rivière et pour la première fois, en voyant la lumière du soleil scintiller à la surface de l'eau et dans les feuilles des arbres, j'ai sentis que le printemps était là.

vendredi 25 avril

7:12. Cette fois je n'ai rien préparé à l'avance. J'ai trois minutes devant moi avant de sortir du lit et de me mettre en route. Musique : You Better Move On par Arthur Alexander. Je suis en pleine forme, après une bonne nuit. Je viens de faire une rapide revue de presse. Lecture conseillée : Raphael Sorin sur les Belges. A éviter : les commentaires sur le "changement de style" de qui vous savez. Bonne journée à tous.

samedi 26 avril

Ne comptez pas sur moi aujourd'hui pour traîner devant l'ordi. Je suis dehors, in the sun. Enjoy !

Bon, finalement, un mot sur Blonde on blonde. Je l''ai réécouté hier soir. Tout a été dit, semble-t-il, sur le "premier double album du rock". On peut incliner à penser que la reconnaissance unanime, le statut de chef-d'œuvre incontesté, la présence permanente en tête des listes de prescription de consommation culturelle, ont définitivement tué la magie, le mystère, et finalement la beauté. On peut le penser (et c'est très souvent mon cas), mais uniquement tant qu'on se dispense de réécouter le disque en question (c'est la même chose avec Lolita, Pierrot le fou ou Kind of blue, pour prendre des exemples équivalents en terme de totémisation culturelle). Il est toujours troublant de constater qu'à chaque fois, la même expérience esthétique se réactive. Elle ne se produit pas à l'identique, elle dépend du contexte émotionnel, de l'état physique et mental du moment, etc. Mais la capacité à influer notre sensibilité reste intacte. C'est une bonne nouvelle.

dimanche 27 avril

J'ai le livre idéal pour lire au jardin.

 

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