lundi 9 juin

Tout n'est pas à jeter, chez le bon vieux docteur Freud. Sa typologie des pathologies est étroite, lourdement marquée par le positivisme. Reste une intéressante collection de "caractères" (au sens du dix-huitième) qui peut présenter un intérêt pour interpréter les actions de certains individus rencontrés dans la vie sociale. J'ai été récemment confrontée à des comportements étranges, où la volonté de nuire dépassait de loin la dose ordinaire de rivalité mimétique qu'on peut trouver sur un lieu de travail. La fiche consacrée au pervers narcissique m'a éclairée. Excellent portrait. J'en parle parce qu'il se pourrait qu'un lecteur croise un jour une personnalité de ce genre. C'est une catégorie assez répandue, qu'on peut trouver à tous les étages de la société aliénée.

mardi 10 juin

J'ai un peu décroché des infos. Tout va bien ? Je veux dire, toutes les catastrophes suivent bien leur cours ? Ici, on se dirige doucement vers les vacances. Je ne vais pas me plaindre. J'ai la chance de ne jamais m'ennuyer. Je sais que ça existe, je compatis pour ceux qui sont touchés, mais je ne connais pas l'ennui. Comme je suis souvent en vacances, ça tombe plutôt bien.

mercredi 11 juin

Par exemple, lorsque je ne sais pas quoi faire, je vais prendre des photos dans le jardin. Il y a toujours des surprises avec les traces photographiques, ce n'est jamais comme on croit que les choses sont. Rien qu'avec ça, il y a de quoi s'occuper pendant un moment. Ajoutez un petit questionnement philosophique qui vous accompagne en sourdine dans chacune de vos actions. Et vous avez la recette pour une journée sans temps mort.

jeudi 12 juin

J'écoute Go Away, extrait du dernier Elvis Costello & the Imposters. Il s'agit d'un plaisir simple : celui que procure une bonne chanson chantée et jouée avec style et conviction. C'était monnaie courante à l'époque des studios Sun ou chez Chess Records. C'est devenu plutôt rare en raison du développement de l'industrie de l'entertainement, des technologies numériques, etc. A l'issue d'une patiente exploration des racines de la musique populaire, Elvis le bien nommé semble avoir retrouvé la formule magique presque par inadvertance. C'était donc ça!

vendredi 13 juin

Les œuvres reconnues sont bien rangées sur leurs étagères, triées et commentées avec soin par les experts. On en oublie qu'elles auraient pu ne jamais être là. "A mes rares moments perdus, je mets en place des petits pans de mon prochain polar", écrivait Manchette le 14 novembre 1972. "Je sais que le héros sera pourchassé par des tueurs sans savoir pourquoi." S'il a fui sans chercher à comprendre, "c'est que sa vie misérable lui donnait envie de fuir (bref, c'était un petit cadre)." On aura reconnu les premiers frémissements de ce qui deviendra Le Petit Bleu de la Côte Ouest.

samedi 14 juin

Le meilleur d'Internet, pour moi, c'est une poignée de blogs tenus par des mordus qui prennent leur pied à partager généreusement leurs précieuses trouvailles. Hier, retour de boulôt vannée et down. Je passe machinalement chez 15 minutes, jamais avare de bons plans et de bonnes surprises. Et là, je tombe sur une série de clichés du Dr Gonzo qui me sort immédiatement de ma torpeur. Hunter S. Thompson est un des plus grands pourvoyeurs d'énergie que je connaisse, une vraie centrale à lui tout seul. Il faut que je pense à me procurer son reportage sur les Hell's. Le receuil de textes publié jadis aux Humanos n'a pas l'air d'avoir été réédité.

dimanche 15 juin

Lundi 16 juin

Terminé la lecture du Journal 1966-1974 de Jean-Patrick Manchette. La fin est captivante. Les choses se mettent à bien marcher pour l'écrivain vers 1972, avec une sorte de happy end extatique en 73-74 (choix judicieux de Doug Headline). Comme on a vu Manchette s'inquiéter pour des problèmes de fric, s'épuiser sur des besognes alimentaires rebutantes, contraint de côtoyer des "bœufs", on est super content pour lui. Les bonnes critiques affluent à la sortie de Morgue pleine, Chabrol tourne Nada, l'argent rentre enfin et on croise des noms connus. Manchette est approché par des gens du cinéma et de l'édition (dont le gang de comploteurs des éditions Champ Libre) : tout baigne. Il paraît que les cahiers suivants sont plus sombres, voire très noirs vers la fin. Doug Headline semble hésiter à publier la suite pour cette raison. On verra.

mardi 17 juin

 

Lecture de Death Note, manga prêté par une collègue. Dessin moyen, scénario tellement implacable que ça en devient malsain. Assez prenant cependant. Commencé les fantastiques poèmes de Walt Whitman. Quel souffle, et quel aplomb. On retrouvera quelque chose de cette vision panoramique et lyrique des grands espaces chez Kerouac et Ginsberg (pas du tout chez Burroughs, que la nature indiffère). Lecture agréable de Comment nous pensons (John Dewey). Distinction intéressante entre le jeu et le travail. Le jeu, c'est lorsqu'on accorde toute l'attention à l'activité. On s'amuse, mais cela ne débouche sur rien faute d'orientation générale. Le travail, c'est lorsqu'on est braqué sur le but, toutes les actions sont des corvées, un pensum, etc. Lorsque l'activité se déploie librement et que chaque geste est au service d'un but qui peut évoluer dans l'action, on a l'activité artistique. Si le but principal est l'argent, on a juste affaire à une autre forme de travail aliéné (ce que ressentait avec lucidité Manchette dans ses travaux de commande).

mercredi 18 juin

Beaucoup de choses à faire, limite débordée pour la semaine. Enfin, "débordée", ça veut juste dire un peu moins de lectures sur la terrasse, de temps passé à écouter de la musique ou à glandouiller sur le web. Comparé aux vrais "gagner plus/travailler plus", je serai toujours une dilettante. Bonne nouvelle : nous devrions être débarrassés des "bleus" pour un moment.

jeudi 19 juin

Au moment où je m'intérresse à ce bon vieux docteur Gonzo, il y a justement un film qui sort. Difficile de se faire une idée. Même si c'est du boulot de tâcheron, il faut imaginer que cela doit beaucoup amuser Thompson.

vendredi 20 juin

Repos.

samedi 21 juin

Vu Factotum, adapté du livre de Bukowski. Acteurs, dialogues, mise en scène : pas mal. Cependant, ratage complet. J'ai néanmoins regardé une bonne moitié en décrochant du film et en discutant des événements de la journée. Pendant ce temps, le fil d'une vague réflexion s'effilochait dans un coin de mon esprit. Je me souviens avoir pensé à Huston, qui a complètement foiré plusieurs adaptations de romans (dont Au-dessous du volcan) en choisissant une approche littérale, béhavioriste. Le contresens était total s'agissant des divagations éthyliques du Consul titubant dans la rue, et donc simplement montré titubant dans la rue. C'est un peu le même problème avec Bukowski. Ce qui est décrit dans ce bouquin (l'un de ses meilleurs), à savoir les malheurs et les joies d'un apprenti écrivain abonné aux petits boulots et aux gueules de bois, n'a qu'un tout petit intérêt. Tout le plaisir de la lecture vient du ton, du style, ce qu'on appelle assez bêtement le "point de vue", bref, d'une subjectivité ayant trouvé sa voix. La question de l'adaptation cinématographique ne constitue que la partie émergée des pensées déclenchées par ce film. J'ai pensé à d'autres trucs autour du rapport entre le texte et l'image, mais ce n'était pas très clair. La part la plus insaisissable de la vie de l'esprit me semble la plus intéressante - parce que plus intuitive, personnelle, spontanée, moins convenue. Elle est hélas aussi la plus difficile d'accès. Je sens qu'il y a un paradoxe derrière tout ça, touchant au noyau dur de nos croyances. Mais je ne pourrai pas en dire plus pour aujourd'hui.

dimanche 22 juin

All change on then merry go line
Everybody looking for a sign
Jumping up and down when the switch goes on
Nobody knows where it's coming from

lundi 23 juin

Mes ennemis ne créent rien, ils ne font que rebondir sur mes erreurs. En ce sens, ils me donnent une belle occasion de progresser afin de ne plus laisser de faille à exploiter. Inutile de se demander pourquoi on finit toujours par déclencher des animosités acharnées (le karma ?) ni ce qu'il conviendrait de faire pour apaiser les conflits (le seul apaisement, c'est la victoire totale).

mardi 24 juin

Depuis que j'ai revu le film de Jarnush, je m'intérresse à la voie du Samouraï - que je connais très mal, mais qui me fascine. Acceptation du caractère inéluctable du combat, nécessité de la victoire, détermination (lorsque le Samouraï se sert de son sabre, c'est pour trancher). Il faut dire que dans notre culture chrétienne, bourgeoise, formatée par le dressage social et le politiquement correct, rien ne nous aide à progresser sur cette voie. Résultat, on se contente d'essayer de ne pas trop attirer la violence sur soi, ou alors on la minimise en refusant de la regarder en face. Le Samouraï, lui, n'a qu'un objectif : la victoire, by any means necessary.

La couverture de Fu-Manchu vient de . Sublime collection d'éditions originales. Il y en a qu'on aimerait bien ouvrir (Ribemont-Dessaignes, Benjamin Péret). On imagine le texte. C'est pas mal non plus.

mercredi 25 juin

Cher Journal, je viens d'apprendre sur un blog que le Jane's diary pouvait servir d'alibi culturel lors de l'achat d'un CD d'Amy Winehouse. Ici, encore quelques jours à tirer dans un climat de guérilla. Ensuite, j'irai voir Bashung qui se produira en plein air dans la ville d'à côté. Nous serons début juillet et là, ce sera vraiment le début des vacances.

jeudi 26 juin

Je ne suis pas vraiment d'humeur à laisser mes pensées divaguer, ce matin. Je dois au contraire rester concentrée et maintenir dans mon esprit une sorte de vide. Je vais tuer quelqu'un (symboliquement, hein).

vendredi 27 juin

Bien entendu, je n'ai tué personne. Faut pas rêver, on est pas chez les cow-boys. En même temps, personne ne m'a tué. Donc tout va bien. Vous pouvez envoyer les vacances.

samedi 28 juin

Let's have a break.

dimanche 29 juin

 

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