lundi 28 avril

 

Suze publie ses mémoires, Lou a épousé Laurie en secret et l'art du riff est enseigné dans les écoles de musique. Ce sont les principales informations du jour. J'ai oublié quelque chose d'important ?

mardi 29 avril

Souvenirs creux, clichés médiatiques, événements invérifiables, récits fictifs, injonctions normatives, projections mimétiques, représentations collectives : tout ceci n'est que du vent. Seule la situation présente existe. Rien ne peut concurrencer en intensité l'expérience de la situation sans cesse changeante qui se présente à nous d'instant en instant et dans laquelle nous avançons comme une pierre qui roule le long d'une pente.

« Pour donner une idée de ce que c'est que d'avoir une expérience, imaginons une pierre qui dévale une colline." John Dewey

mercredi 30 avril

En écoutant une compilation de Leonard Cohen, j'ai remarqué que n'y figurait aucun titre de Death of a Ladies' Man, l'album sublime produit par Phil Spector. La collaboration entre le poète énigmatique et le producteur lunatique a pourtant donné naissance à quelques chansons magnifiques (citons True Love Leaves No Traces ou encore le redoutable Memories). Il est vrai qu'elles sont toutes signées Cohen-Spector. De plus, le canadien a conservé un très mauvais souvenir des sessions d'enregistrement avec le génial producteur des Ronettes (il n'est pas le seul dans ce cas, que l'on songe aux pauvres Ramones). Mais le principal obstacle est probablement le son, qui comblera les amoureux du mur sonique spectorien, mais pourrait décontenancer le cadre surmené à la recherche d'un moment de détente intimiste. Une quarantaine de musiciens, dix-sept choristes (dont Dylan et Ginsberg), ce n'est finalement pas trop pour créer cette ambiance de fin de nuit fatiguée à la beauté amère.

So We're dancing close, the band is playing Stardust
Balloons and paper streamers floating down on us
She says, You've got a minute left to fall in love
In solemn moments such as this I have put my trust
And all my faith to see
I said all my faith to see
I said all my faith to see
Her naked body

Un sommet que je recommande à tous mes lecteurs...

jeudi 1 mai

Pause

vendredi 2 mai

"Parler ne signifie pas témoigner de la réalité, mais l’interpréter, voire la créer de toutes pièces. Comme l’a montré Ferdinand de Saussure, le rapport entre le signe et le monde qu’il décrit est purement arbitraire. Cela vous offre un champ d’action sans limite, d’autant plus que la plupart de vos interlocuteurs croient encore à un lien naturel. L’idée que le langage décrit le réel est pour eux un pilier important, sur lequel ils s’appuient pour percevoir la solidité sécurisante du monde. En vous affranchissant de cette illusion, vous aurez la capacité de créer un univers qu’il leur sera difficile de remettre en question." Extrait de l'excellent Guide pratique pour réussir sa carrière en entreprise avec tout le mépris et la cruauté que cette tâche requiert, livre fortement corrosif pour la valeur travail que l'on peut trouver en libre accès ici et en vente dans toutes les librairies (mais que fait le gouvernement ?).

samedi 3 mai

Hier, Libé a créé un gros buzz autour de la sortie du Journal de Manchette. C'est Doug Headline (le fils de Manchette) qui gère le fond d'inédits et il s'en occupe semble-t-il très bien. Soucieux de ne pas "glamouriser" son père, il s'attache à mieux nous faire connaître l'écrivain rigoureux et exigeant. Doug Headline est par ailleurs un critique de cinéma que je prenais plaisir à lire dans Métal Hurlant sans savoir à l'époque qui il était.

dimanche 4 mai

La lecture du dimanche : pour une désocialisation positive (Henry David Thoreau). "Tout le dilemme de celui qui veut sortir du cercle de la société sans se résoudre au silence..."

lundi 5 mai

Dans les librairies et à la Fnac, impossible d'échapper aux montagnes de publications consacrées à "68". Je ne pense pas qu'aborder isolément cette année-là puisse éclairer quoi que ce soit. Ne parlons même pas du "mois de mai" en France, réduit à trois rues du quartier bobo et devenu une sorte de fable légendaire qu'on raconte aux petits à la veillée. A mon humble avis, le plus important s'est passé dans les années qui précèdent, aussi bien en Angleterre (Swinging London), qu'aux States ( Beat generation et début du mouvement psychédélique) qu'en France (publications de l'IS). En 68, tout était déjà grillé par la massification des mauvaises drogues et des idéologies débiles.

mardi 6 mai

68 ? C'est l'année de la sortie du plus grand album de pop sixties françaises (sorti au début de l'été). Quel son !

mercredi 7 mai

Enthoven/ Zagdanski : face à face affligeant. Enthoven entre dans le studio de France-culture, le journaliste qui passe le relais l'annonce ainsi : "Alors, quel livre a-t-il sous son bras aujourd'hui ? Kant ? Hegel ?" Réponse de l'intéressé : "Oh non, c'est moins bien. Il s'agit de Guy Debord." Zagdanski, enthousiaste et brouillon, s'est comporté comme un fan boutonneux qui aurait découvert l'IS le mois précédent. J'ai déjà une légère nausée et nous n'en sommes qu'à la première semaine de commémoration. Vivement le mois de juin, qu'on passe à autre chose.

jeudi 8 mai

 

A écouter la fenêtre ouverte avec quelques tondeuses au loin qui font les choeurs...

vendredi 9 mai

"Dans le rock et la pop, âge ne rime pas forcément avec naufrage, comme le démontre cette video mise en ligne par Jane qui nous invite à retrouver un Elvis Costello en forme qui reprend l'émouvant Wild Horses. A touch of Grace, a touch of Class." Je cite la réaction du Journal digressif un peu couture sur la pop & rock culture parce que je sais qu'elle va faire plaisir à un ami. Pourquoi s'en priver ?

samedi 10 mai

Gros arrivage de photos noir et blanc période 65/66, pour ceux que cela intérresse. This way...

dimanche 11 mai

"One attraction in coming to the woods to live was that I should have leisure and opportunity to see the Spring come in. " Henry David Thoreau, Walden

lundi 12 mai

L'art du portrait : Albert Grossman.

"De vieilles photos de lui montrent un homme grassouillet, les cheveux en brosse avec des petits yeux derrière des lunettes sans monture : un comptable énergique dans un costume crépon et une cravatte soigneusement nouée. Il avait maintenant des cheveux gris hirsutes et portait un jean. Son épouse Sally, dont la photo ornait la pochette de Bringing It All Back Home, était une magnifique jeune femme. Le bruit courait que ses locaux à Woodstock, dans l'Etat de New York, abritaient une cave pour les connaisseurs, avec la marijuana la plus puissante, en provenance des quatre coins du monde. Les membres du comité de la Newport Folk Founndation le détestaient." White Bicycles, Joe Boyd (Allia)

mardi 13 mai


Je n'ai pas écouté ce disque mais j'aime bien la pochette et aussi les titres : Hungover with Jenny / Grow up / The most beautiful loser in town / Idiot train / Too much jazz / Scaredy cat / I love you , sometimes / Name your trash / She's a setting sun / Jaded / Don't kiss me .

J'ai écouté : le dernier Black Crowes (lourdaud), le dernier Jonathan Richman (sympa), un disque de covers de Jesse Malin (correct) . Quand on n'attend rien, on ne peut qu'être agréablement surpris.

mercredi 14 mai

Photographies de Robert Frank et William Eggleston

Toujours se fier aux apparences : elles ne trompent jamais. Ce sont nos interprétations qui sont erronées, ce sont nos concepts qui manquent de subtilité, ce sont les mots que nous utilisons qui nous égarent. Ce qui apparaît ne comporte pas de mensonge. Tout est là, il suffit de voir.

"Tout mon travail dans le champ de l’art est d’impliquer et intensifier l’attention du spectateur sur ce miracle qu’on appelle un instant donné, un moment particulier." Robert Rauschenberg

jeudi 15 mai

Conservé un très étrange souvenir du film The Party, que j'ai vu très distraitement à la télévision au milieu de conversations croisées, de coups de téléphone, etc. Je revenais après chaque interruption au film, qui continuait impertubablement son cours erratique et décalé. J'ai probablement raté une bonne partie des gags, mais j'ai été sensible à la beauté de la mise en scène, sans connaître l'ennui qui peut atteindre le spectateur attentif du début à la fin. De là à dire que c'est la meilleure (ou la seule) façon de voir ce film... A propos de Rauschenberg, Bill Terebenthine me racontait qu'en sortant de l'exposition consacrée aux Combine paintings au Centre Pompidou, il avait lu sur le mur une phrase où l'artiste américain expliquait qu'à un moment, il s'était dit qu'on pouvait considérer le monde entier comme une vaste peinture (de mémoire). C'est un point de vue intérressant, que l'on peut transposer à d'autres domaines (au même moment, Cage l'appliquait à la musique). Les historiens de l'art insistent toujours sur l'héritage duchampien, évident et revendiqué. Mais il y a aussi dans cette démarche quelque chose de philosophique (ou de "spirituel") qui dépasse largement le cadre étroit du récit officiel de l'art moderne

vendredi 15 mai

Le soir, je lis le Journal de Jean-Patrick Manchette. Vers 67-69, le jeune écrivain se démène pour survivre en abattant des besognes alimentaires peu réjouissantes (il va jusqu'à travailler à un "film pédagogique" pour des commanditaires bornés qu'il appelle "les bœufs"). A part ça, il lit avec beaucoup d'intérêt la revue de l'I.S., fait preuve d'une grande lucidité politique et intellectuelle, regarde des vieux films américains à la télé et tourne autour d'un projet de roman noir à partir d'un scénario refusé sur l'affaire Ben Barka. Ce sera son premier polar (L'Affaire N'Gustro). On rêve de voir surgir un mécène ou un héritage pour qu'il puisse tranquillement se consacrer à son art. Mais on sait que cela n'arrivera pas.

samedi 17 mai

Temps orageux. Les animaux sont stressés. Moi aussi.

dimanche 18 mai

 

 

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