lundi 12 octobre

Album de l'année ? L'hypothèse n'est pas à écarter. Avec sa musique hors du temps (années 20 ?), ses textes de désolation fataliste rongés par l'obscurité et la solitude, le huitième volume des Bootleg Series pourrait bien constituer la bande-son parfaite pour cette période de "crise"*.

* "La situation devient chaotique, incontrôlable pour les forces qui la dominaient jusqu'alors, et l'on voit émerger une lutte, non plus entre les tenants et les adversaires du système, mais entre tous les acteurs pour déterminer ce qui va le remplacer. Je réserve l'usage du mot "crise" à ce type de période. " Immanuel Wallerstein

J'ai reçu ça après avoir rédigé ce qui précède. Voilà qui devrait ajouter de l'eau à mon moulin...

mardi 13 octobre

Pynchon (1207 pages) et Dylan (39 titres) : j'ai ce qu'il faut pour tenir l'hiver et voir venir. Je n'ai plus qu'à grappiller quelques bricoles pour me distraire un peu du corpus majeur. Le Dylan, je l'ai abordé avec circonspection. Depuis que Sony Entertainment gère le fond, le boulot est tellement bien fait que cela en devient suspect. Et si ces trois CD d'inédits, de raretés et de live était le faux pas, le coup médiatique de trop, sans aucune consistance artistique ? Manque de pot, ce volume des Bootleg series s'avère aussi passionnant que la célèbre trilogie inaugurale. A ce stade, je m'incline devant la doxa : pour une fois, elle avait raison.

P.S. Dans la collection des covers réussies de Robert Johnson, il faudra désormais compter avec la reprise de 32-20 Blues qui figure ici. Cette opulente compilation pose à nouveau la question des inédits chez Dylan. Tous ces bijoux laissés de côté sans raison évidente. Une énigme de plus...

mercredi 15 octobre

Too much monkey business. Je snobe les infos (la dernière fois que j'ai allumé la télé, il y avait Alain Madelin, j'ai été refroidie). Il est 20:09, cela s'affiche en bas à droite de l'écran. En écoute : Little Honey, Lucinda Williams. Le mardi, c'est un peu comme un dimanche pour quelqu'un qui reprend le lundi. Je savoure ces précieuses minutes où l'on est encore à soi, concentré sur des trucs qui importent vraiment. Je repense à une émission de radio consacrée à Pynchon écoutée ce matin dans la cabane du pêcheur. A un moment, il y avait un critique qui parlait d' un livre dont on ne peut jamais faire le tour. Cela s'applique à Contre-jour, mais c'est également valable pour tous les romans de Thomas Pynchon - même le génial et faussement simple Vineland.

jeudi 16 octobre

A la première annonce d'accalmie, ils étaient tous sortis de leur boîte : profs d'économie ultra-libéraux, banquiers hilares, et même un sociologue sucker qui nous annonçait que Qui-vous-savez était dorénavant le maître du monde (sans oublier un Madelin bronzé, cynique et vengeur). Ils exultaient sur les plateaux télé. Mais leur triomphe était prématuré. Entre temps, tout s'est cassé la gueule à nouveau.

Vu un très bon docu sur la Black Music (Arte). Du Blues au Rap en passant par le Rn'B, la Soul et le Funk, avec l'Amérique esclavagiste et raciste en arrière-plan, le KKK, la misère, les émeutes, la lutte pour les droits civiques, la répression. Excellente musique comme il se doit, images rares, et un message universel : "Je suis un individu, je suis fier, je suis beau, et si ça te déplaît, tu peux aller te faire voir!". Soul power, motherfucker!

vendredi 17 octobre

William Eggleston, Untitled, 1973

Repos

samedi 18 octobre

Source : Deadlicious

Comme une autoroute où l'on peut juste s'octroyer quelques brèves pauses sur le bas-côté car tant qu'on peut rouler sur le ruban de bitume, on n'a pas d'autre choix que de continuer à avancer.

dimanche 19 octobre

"Le plus inquiétant est l'apparition d'une dissuasion civile, individuelle, intime, qui nous gagne dans tous les domaines de la vie. Nous sommes dissuadés de faire telle ou telle chose comme individus." Paul Virilio

 

lundi 20 octobre

"...dans les jours et les semaines à venir, ce mouvement qui vise à mettre un terme à la peine de mort pour obtenir une véritable justice et dénoncer un système qui ne protège pas les innocents doit s’accélérer." Troy Davis

Ouais, c'est groovy la black music. Je me suis refait l'excellent docu diffusé sur Arte (avec un djeun, pour son éducation). On comprend bien que le Blues et tout ce qui viendra après, c'est d'abord un feeling qui part de la guitare de Son House pour arriver au sax de Coltrane en passant par les voix des chanteuses de chez Motown. Ce feeling particulier venait du fait que les blacks étaient traités comme des sous-hommes dans l'amérique blanche raciste qui avait commencé par exterminer les Indiens avant d'aller en Afrique charger des mecs comme du bétail pour en faire des esclaves. Tout ce passé laisse des traces, entre autres dans la manière dont se comporte la justice. Troy Davis attend depuis 15 ans dans les couloirs de la mort alors qu'il n'existe aucune preuve matérielle contre lui (on n'a pas retrouvé l'arme) et que tous les témoins se sont rétractés (sauf trois, dont le coupable présumé). Certains témoins avouent que les cops les ont forcé à charger Troy Davis. Pour l'instant, une forte mobilisation a permis un deuxième sursis (à deux heure de l'injection létale...). Une fois qu'on est au courant, il est difficile de ne pas signer.

mardi 21 octobre

Dessin trouvé sur le site this isn't happiness™. Peut-être le meilleur plan "image" actuellement sur le web. Il faut y venir souvent car cela ne s'arrête jamais. En remontant à partir des liens, on découvre des sites superbes et étranges, un peu le best of de tout ce qui se balade dans le cyberespace dans le domaine des "arts visuels" (comme on dit au ministère). Vous l'ignorez peut-être (comme moi il y a quelques minutes), mais le mardi 21 octobre est un jour particulier dans le monde enchanté des marchés financiers. On se souvient que dans un épisode précédent, le 15 septembre exactement, Lehman Brothers a fait faillite. Aujourd'hui, c'est le jour J pour le règlement des Credit-Default Swaps (CDS) portant sur Lehman Brothers. Je ne sais pas clairement ce que c'est, mais le montant total des CDS est évalué à 400 milliards de dollars. Certains pensent que les sommes à éponger sont telles que les transactions devraient provoquer une onde de choc de forte amplitude, peut-être un séisme financier. Laissons les faits parler et attendons le prochain épisode...

mercredi 22 octobre

Le capitalisme, pour ceux qui ne sont pas assis à la table du monopoly, c'était l'ennui du travail, de la consommation et des loisirs aliénés. Oui, mais en échange, c'était l'assurance de pouvoir vivre dans un monde rationalisé, informatisé, stabilisé, à l'abris du chaos et des violences qu'on nous montre dans les pays pauvres. Si on n'a même plus ça, le reste risque d'avoir un peu plus de mal à passer...

jeudi 23 octobre

(source)

Vu cette étonnante photo de Paul Simon et Lou Reed. Après tout, ces deux types font le même job, ils travaillent tous les deux dans le music business. J'iimagine que la discussion animée porte sur les producteurs et les contrats véreux. "Moi, je ne me ferai plus JAMAIS avoir par une maison de disques!", lance Simon. "Ouais, tous des truands!", fait Lou.

vendredi 24 octobre

Break.

samedi 25 octobre

"Peut-on rire de tout, y compris de J.M.G. Le Clézio ?", demande Raphaël Sorin. Il serait dommage de s'en priver, surtout si ça fait du bien.

dimanche 26 octobre

"Le style n’est pas de multiplier les trouvailles. C’est de savoir dire exactement ce qu’on veut dire, avec le rythme adéquat." Martin Amis

lundi 27 octobre

Il y a quelques instant, j'écoutais C'est extra, le hit single de Léo Ferré qu'on entendait dans les transistors pendant l'été 69. J'avais onze ans, j'étais en vacances en Bretagne. Quarante années se sont écoulées.. L'autre jour, brève discussion avec un type sympa qui partait à la retraite. Je lui ai demandé s'il était de ceux qui ont peur de s'ennuyer ou au contraire qui se réjouissent d'avoir du temps libre devant eux (question stupide, je l'admets). "Ni l'un ni l'autre, a-t-il dit. Ce qui me fait peur, c'est que le temps passe." Dans ses yeux, pendant une fraction de seconde, j'ai vu passer une lueur d'angoisse. Et oui, le temps file très vite. C'est une de ces banalités qu'on se met à réaliser pour de bon passé un certain âge. Sans avoir rien vu venir, on se retrouve à brasser des dizaines d'années à chaque fois qu'on essaie de dater un événement, un souvenir. C'est un peu comme les sommes injectées par l'État on ne sait pas trop où (mais c'est un autre sujet) : les chiffres sont trop grands pour pouvoir être appréhendés.

mardi 28 octobre

Ce n'est pas l'exposition "événement" avec file d'attente sans fin. On était trois à la caisse de la Cinémathèque. Juste ce qu'il faut pour se balader en prenant son temps, découvrir les oeuvres cachées dans les coins, mater des extraits de films. On connaissait l'acteur mythique et le cinéaste culte, on découvre un excellent photographe (j'aimais déjà certains de ses clichés des sixties sans savoir qu'ils étaient de lui), un collectionneur haut de gamme (Duchamp, Lichtenstein, Rauschenberg, Warhol, Basquiat, Salle...), un peintre versatile plutôt talentueux et plein d'autres bonnes surprises. En plus, le bâtiment de la nouvelle Cinémathèque est une réussite. Recommandé.

mercredi 29 octobre

Une question lancinante revient sans cesse dans l'abondante prose critique qui accompagne la sortie de Tell Tale Signs : pour quelle raison ces chansons ont-elles été écartées des albums ? Je crois qu'il y a une piste du côté des textes (tant il paraît évident que pour le son, les arrangements, l'interprétation, c'est la bonne prise ). Dylan laisse de côté les chansons où, avec le recul, il a le sentiment d'avoir livré à son insu quelque chose qui lui déplaît . Prenons l'exemple de Marchin' To The City, un morceau superbe dans la veine de Highlands (ma préférée sur Time Out Of Mind). Même blues aérien et moite avec riff d'orgue qui étire le temps et guitare pleine de réverbe. Le texte, comme celui de Highlands, évoque des images de voyage mélancolique à la frontière du rêve éveillé. Du surréalisme cool, légèrement décalé, avec des images simpleset banales (surtout si on les compare avec les flashs amphétaminés des textes sixties à la Memphis Blues Again). La différence réside dans le ton. Highlands est un morceau assez léger, traversée par une ironie lasse et désabusée (tout le passage avec la serveuse de restaurant à propos du dessin est plutôt drôle). Marchin' To The City est sombre et désespéré, dans la veine des chants des vieux bluesmen laminés par la vie, les femmes, les excès divers. Il s'agit pour moi d'un de ses meilleurs textes toutes périodes confondues.

La citation du jour : « C’est la plus grande crise monétaire que le monde ait jamais vu » (Neil Mellor, analyste à la banque Mellon)

jeudi 30 octobre

(source)

Ramassé les feuilles. Il y avait une belle lumière que j'ai l'impression d'avoir déjà vue dans des tableaux du dix-huitième (Watteau ?). Je suis en train de finir le livre de Dragomir, dont il faudra bien que j'essaie de parler un peu ici. Après, j'embraye aussi sec sur un recueil de textes consacrés à l'esthétique analytique (costaud, mais passionnant). Et Pynchon ? J'en déguste quelques pages chaque jour avant de m'endormir. Tout va bien. I hope you're happy too.

vendredi 31 octobre

Vu Edward aux mains d'argent (Tim Burton). Niais et ennuyeux, avec de jolies images cependant - ce qui m'a fait tenir jusqu'à la fin.

samedi 1 novembre

(source)

On a beau être prévenu, la lecture de Pynchon est à chaque fois une expérience limite. Le but de ce jeu pervers ? Continuer à suivre la route même lorsque tout est là (chaque mot, chaque phrase, chaque paragraphe) pour vous dérouter. A la page 157, on aborde le thème du passage vers un autre monde. "Car ceci n'est pas que l'Islande géographique, c'est également une des nombreuses convergences entre les mondes, découverte de temps à autre derrière les apparences, tels ces passages souterrains sous la surface, qui serpentent entre les grottes de spath, aveuglément, parmi des cristaux qui n'ont jamais vu, et ne verrons sans doute jamais, la lumière." L'autre monde est sous terre, là où vit le "peuple caché".

dimanche 2 novembre


 

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