lundi 19 mai

Avec le temps moite et humide qui règne ici depuis plusieurs jours, j'ai des envies de swamp blues : Lightin' Slim (que les jeunes membres de l'orchestre Les Pierres Qui Roulent s'appliquèrent à imiter) et Slim Harpo (grâce à qui le jeune Zimmerman découvrit le système du porte-harmonica).

mardi 20 mai

Les conceptions dualistes qui nous oblignent à choisir entre deux termes hypostasiés me donnent envie d'opérer des synthèses que je teste à l'occasion dans la pratique. C'est grave ?

mercredi 21 mai

Le gros sucker (qui peut être une suckeuse) ne répugne jamais devant un coup de langue envers la hiérarchie. Il est persuadé d'être imbattable dans la veulerie et les coups bas et en tire un motif de fierté qui le fait souvent ricaner niaisement. Attitude à adopter : se méfier, être sur ses gardes. Laisser le sucker avancer puis lancer une attaque fulgurante. Et surtout, pas de pitié au moment d'appuyer sur la gâchette.

jeudi 22 mai

Vinyle résistance : le combat continue. «Les fréquences sont magnifiques, chargées en émotion, la dynamique est incroyable et restitue les nuances avec grâce. On est loin de la glaciation reboostée du CD, son maquillé et présenté sous cellophane ou de la bouillabaisse de son affligeante du MP3.» (Libération) Ce n'est pas un combat pour gagner (sauf en cas de révolution rock). C'est juste un combat pour la dignité du consommateur et la sauvegarde d'une certaine exigence esthétique. Dont give up the fight!

vendredi 23 mai

Voilà un blog spécialement conçu "pour les amateurs d'étrange, d'érotisme, de surréalisme et de la littérature populaire" qui devrait répandre la bonne humeur. Satisfaction garantie.

samedi 24 mai

Vu deux bons films à la télé :

The Limey (L'Anglais) de Steven Soderbergh avec Terance Stamp et Peter Fonda dans le rôle du méchant producteur de disques cynique et mafieux ayant fait fortune pendant les sixties. De bonnes scènes d'action (dont une poursuite en bagnole digne de Tarantino) et une réflexion sur le vieillissement, le désenchantement, toutes ces choses qui donnent du poids aux personnages de fiction.

The King Of New York d'Abel Ferrara, "film rap" trépidant (voire hystéro) qui vous scotche sur le canapé de la première à la dernière seconde.

dimanche 25 mai



" La plupart du temps, celui qu'on cherche habite à côté. " Franz Kafka, Journal de l'année 1917

lundi 26 mai

Tout va très très vite. La destruction de la planète s'accélère, la déshumanisation de la société capitaliste mondiale de même. Époque intéressante où l'on peut observer les comportements humains dans une situation extrême qui aurait pu provoquer quelques réflexes de survie, voire quelques prises de conscience. En fait, c'est tout le contraire : repli des politiciens sur de mesquines luttes de pouvoir, pensée des intellectuels en berne, luttes sociales se limitant strictement aux intérêts immédiats, fétichisation grandissante de la marchandise technologique, etc. Ce n'est pas volontaire, certes, mais il y a quelque chose de radicalement punk dans cette manière de se foutre complètement des catastrophes annoncées tout en se concentrant sur son téléphone portable, son iPod ou son ordinateur. Et moi ? Je fais comme tout le monde. Je me régale avec un excellent show des Bad Seeds pour la BBC et j'abandonne l'avenir de l'espèce aux spécialistes.

mardi 27 mai

Rapide survol, à partir de titres trouvés dans la presse, de quelques phénomènes n'ayant pas de réelle consistance à mes yeux (même si je sais que ça existe) : l'enfer du RER, le festival de Cannes, l'Elysée et son locataire, la fête des mères, le cadavre du chef des FARC, les batailles au PS. En même temps, je tiens à ces présences fantômatiques qui me donnent l'impression (ou l'illusion) d'être reliée au reste du monde. Ce qui importe pour moi aujourd'hui ? Au hasard : le Journal de Manchette (dont il a été question hier sur France Culture où Doug Headline était l'invité de Tout arrive), l'odeur de la terre humide après la pluie, Captain Pat dans la revue Chimères, et aussi le fait que je me sente physiquement en pleine forme pour aborder un anniversaire symboliquement chargé (50!).

mercredi 28 mai

Entre les murs, docu-fiction sympatoche ovationné et primé à Cannes. Why not ? L'éditorialiste du journal Libération en appelle au regretté Serge Daney pour nous expliquer à quel point il est heureux que le cinéma lui montre un pan de la société "pluriculturelle" qu'il semble méconnaître. Cela a le mérite d'être franc, presque courageux de la part d'un journaliste. Serge Daney se retourne peut-être dans sa tombe, mais son cimetière est encore plus lointain et exotique qu'une "zone sensible" aux yeux d'un bourgeois. Pour être complet (et dialectique), il faudrait faire un deuxième film où on montrerait un établissement scolaire "non sensible", "monoculturel", là où se reproduisent paisiblement les rejetons de la classe dominante. On y verrait les enfants d'éditorialistes parisiens qui côtoieraient ceux de quelques ministres de la République. Ce serait un film édifiant.

jeudi 29 mai

Se souvenir qu'il y a plein de lieux dans le monde où, à peine atterri, on se mettrait très vite à regretter fortement l'endroit d'où l'on vient. Enfin une pensée positive dans le Jane's Diary. Il était temps d'apporter un contrepoint à ce que Manchette appelle "le travail du négatif".

vendredi 30 mai

J'aime bien les gens qui détestent leurs parents et qui le disent. Dans son journal, Manchette se plaint régulièrement d'une mère abjecte (ou présentée comme telle par son fils, préciserait le psy de service). La psychanalyse a fait beaucoup de dégâts en généralisant une typologie sommaire des conflits avec les parents (œdipe). Ces conflits, qui n'ont rien d'inévitable, peuvent tout simplement relever d'une saine légitime défense contre des individus malfaisants qui exercent leur "pulsion de mort" à l'encontre de leur descendance. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si, dans quelques passages brillants, Manchette démonte avec rage et jubilation la psychanalyse. Cela paraît assez évident aujourd'hui, mais ça ne l'était pas dans le contexte de l'époque, quand les théories du cocaïnomane viennois régnaient sur le monde intellectuel.

samedi 31 mai

Je suis un peu comme le citadin qui ressent le besoin de se retirer de temps en temps à la campagne pour mieux apprécier, au retour, l'agitation de la ville. Comme je vis dans les bois, il faut que j'aille à Paris faire le plein d'images, de bruits, de visages. Marcher sur des trottoirs bondés dans le vacarme des moteurs est devenu pour moi une expérience dépaysante.

dimanche 1 juin

J'ai aussi fait le plein de livres.

lundi 2 juin

One + One de Jean-Luc Godard. Après tant de fois, c'est toujours le même émerveillement devant la manière dont Godard filme l'espace de l'Olympic studio, les musiciens au travail et, chose rare à l'écran, le processus de création en train de se déployer (le "fait artistique", comme dit le Duc de Trèfle). Un pur éclat de génie que ne parviennent pas à ternir les scènes "politiques" affligeantes intercalées entre les prises de vue du work in progress stonien. Plus rien ne souffle ici de l'humour libertaire et de la poésie qui faisaient le charme d'un film comme Bande à part. On peut toujours rêver à ce qui se serait passé si, au lieu d'aller se galèrer avec des groupuscules gauchistes prônant la guérilla urbaine, Jean-Luc Godard s'était branché avec la scène rock londonienne, tournant des films avec Marianne Faithfull et Anita Pallenberg.

mardi 3 juin

Une ancienne publicité comme on en trouvait dans la presse au siècle dernier. Voilà le genre de chose que j'adore trouver sur Internet. Je n'en demande pas plus. Ce medium est parfait pour faire circuler des trucs bizarres à destination d'une bande d'esthètes aux goûts tordus. S'il existe une forme d'art underground contemporain, ne le cherchez pas ailleurs : il est là. En revanche, ce serait une grave erreur de penser qu'Internet couvre "tout". En ce qui concerne la vie de l'esprit (littérature, philosophie, poésie), le bon vieux livre en papier restera pour toujours indépassable. A moins bien sûr de se contenter des notices Wikimedia et d'ignorer les oeuvres.

J'ai trouvé l'image ici

mercredi 4 juin

Interruption des émissions...

"Bo Diddley, a founding father of rock 'n' roll whose distinctive "shave and a haircut, two bits" rhythm and innovative guitar effects inspired legions of other musicians, died Monday after months of ill health. He was 79." (lire plus)

Reprise

Je viens de finir Chronique du règne de Nicolas Ier de Patrick Rambaud. Cela vous étonne, et il y a de quoi. C'est un voisin qui me l'a passé : impossible de refuser. Je partais pleine de présomptions, croyant flairer le bouquin complaisant cyniquement ciblé pour un créneau en béton. Or, contre toute attente, j'ai dû reconnaitre que je prenais plaisir à la lecture de ce livre et même qu'il m'arrivait souvent d'éclater de rire. Le pastiche de Saint-Simon garantit une certaine tenue de l'écriture, le récit est enlevé, le ton parfois inutilement méprisant lorsque Rambaud évoque les références culturelles du monarque (on frôle le mitraillage d'ambulance).

jeudi 5 juin

La lecture du journal de Manchette aura au moins une conséquence pour le Jane's diary. J'y noterai dorénavant les films vus à la télé. Pas les merdes qu'on regarde les yeux vitreux et qui vous laissent avec une légère nausée. Non, juste ceux qui m'auront vraiment plu (ce qui devrait faire peu). Le premier, revu l'autre jour pour la troisième fois : Ghost Dog, la voie du Samouraï (Jim Jarnush). Une pure merveille où, en parfaite harmonie avec le sujet, tout les aspects visuels et sonores sont parfaitement maîtrisés. Comme l'enseigne le célèbre Traité des Cinq Roues, la maîtrise de soi augmente les chances de maîtriser le monde,.

vendredi 6 juin

I'm so tired. Passé la journée d'hier à marcher. Ce matin, bronzage impressionnant.

samedi 7 juin

C'est un grand moment de jouissance esthétique, lorsqu'un artiste parvenu à maturité et dans la pleine maîtrise de son art se lâche en toute liberté, juste pour le plaisir. En ce mois de juin, deux évènements nous offrent l'occasion de vérifier cet adage : la remarquable exposition Hokusaï au musée Guimet et la sortie du dernier album d'Elvis Costello & the Imposters.

dimanche 7 juin

"Tenez votre sabre en pensant toujours qu'il doit couper votre adversaire. Au moment où vous êtes en train de pourfendre votre adversaire ne modifiez jamais l'intérieur de vos mains et maintenez votre sabre de telle façon qu'elles ne soient pas figées. Même si vous cinglez le sabre de votre adversaire ou bien l'interceptez sur le vôtre ou bien l'emprisonnez à l'aide du vôtre, ne modifiez que votre pouce et votre index selon votre volonté. Avant tout, ne manipulez le sabre qu'avec la ferme intention de pourfendre votre adversaire ." Miyamoto Musashi, Traité des cinq roues

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