lundi 23 août

J'aime suivre des yeux le vol des oiseaux blancs qui passent au-dessus du fleuve. Et aussi leur manière de se poser sur l'eau et de se laisser entraîner doucement par le courant. Je voudrais rester ici à étudier les oiseaux blancs : comprendre comment se forment les bandes, pourquoi il y en a qui chassent seuls, et savoir si il entre une part de jeu dans la conduite en plein vent.

mardi 24 août

Tout va bien. Même si c'est imminent, je n'ai pas encore l'esprit assailli par les questions de fonctionnement et d'organisation qui m'attendent, serrées derrière la barrière du premier septembre. Et d'ici là, personne ne peut me demander de résoudre les problèmes de la société.

mercredi 25 août

On peut voyager sans se déplacer. Mais c'est le genre d'expérience dont on ne peut pas trop parler avec des collègues. Les scientifiques commencent pourtant à constater que lorsqu'un sujet se représente une action, les même neurones sont activés que lorsqu'il réalise cette action "en vrai". C'est la même chose. Il n'y a pas de différence entre imagination et action. Cela va probablement prendre un moment avant que cette conception soit comprise et largement acceptée. Et en attendant, il faudra garder pour soi les récits de voyages immobiles.

jeudi 26 août

J'ai besoin de new sensations.

vendredi 27 août

Bien entendu que ça me gonfle terriblement d'avoir à sortir du basement. Mais si je n'étais pas dans l'obligation d'avoir à travailler, je ne verrais personne. Et l'homme est un animal social. Profitons donc de cette occasion de rencontrer d'autres terriens et terriennes. Le but du jeu est de trouver une sorte d'espace d'entente, une base pour communiquer. Pas si facile. Mine de rien, je suis en train de me préparer.

samedi 28 août

Je m'intéresse à ce qui se passe quand il ne se passe rien, aux énergies laissées en réserve, aux choses qui auraient pu se produire mais n'ont pas été retenues, à tout ce qui n'adviendra pas mais existe virtuellement. Je pense que toute notre conception de l'activité est à revoir.

dimanche 29 août

Je sais que c'est une question de journées et pourtant je n'arrive pas à me projeter dans la rentrée à venir. Plus ce moment approche et plus je me concentre dans l'instant. Je m'en tiens aux sensations. Jardinage, rangement. Le reste, qui viendra en son temps (maybe), n'existe pas.

lundi 30 août

Je sais par expérience qu'il est inutile et superflu de se préparer à une descente en piqué du type retour de vacances. La situation en elle-même est formatrice : elle contient le mode d'emploi, les codes en usage, la langue officielle, le rôle qui vous est dévolu. C'est pourquoi il n'y a rien à anticiper.

mardi 31 août

Il y a un écart entre ce que l'on sait, ce que l'on vérifie, ce que l'on voit, et ce que l'on peut dire, ce qui est admis, ce qui est cru. Nous devons faire avec le système de croyance en vigueur. Le côté sagesse "pèpère" (à la Montaigne) est imparable : il faut bien sûr éviter les embrouilles. Mais en même temps, si tout le monde ferme sa gueule et fait semblant de croire, on a peu de chances d'évoluer.

mercredi 1 septembre

Here I go ! Pour l'instant, tout va bien. J'ai bu mon café et on ne voit rien de différent. En même temps, je sais que c'est le dernier des derniers des vacances. Quelques règles de conduite : rester neutre, ne pas s'étonner en public (ça fait martien), observer et enregistrer les faits, s'immerger lentement et surtout de ne pas faire de vagues (le principe d'invisibilité).

jeudi 2 septembre

Retour pas désagréable. C'est toujours assez amusant, de voir du monde. Sortir un peu de son monologue intérieur. Tester certaines théories, creuser quelques concepts. Observer. Il faut profiter du court moment où le regard est encore frais. Assez rapidement, la distance d'observation s'amenuise. Je crois que les situations, comme les personnes, livrent leurs secrets dans un premier regard, spontanément, de manière latérale.

vendredi 3 septembre

A une époque, écrire mes deux trois lignes pour le journal constituait la principale activité de la journée. C'est dire si j'ai exploré l'oisiveté. J'y ai puisé d'énormes satisfactions. Il y en a qui se forment dans le travail, moi j'ai tout appris d'une vie de loisir et de glande. C'était un objectif, un style de vie, presque un plan de carrière. Je n'ai pas perdu mon temps : les enseignements de l'oisiveté peuvent également servir dans l'hyper activité.

samedi 4 septembre

La contre culture des sixties a perdu la bataille. Elle a peut être un peu trop focalisé sur un hédonisme aisément récupérable par le système (la révolution sexuelle devenant le porno pour tous et la dope le premier marché mondial). Il est cependant faux de dire que le système, dans son développement actuel, est devenu incriticable et invincible. Il est au contraire à son degré de fragilité le plus grand de toute son histoire. Sa survie est suspendue à notre bon vouloir.Et nous faisons du zèle, chacun à notre manière, pour maintenir la croyance en une version monde dont la désintégration est déjà bien avancée.

dimanche 5 septembre

Je ne sais pas pourquoi l'idée de se mettre au travail est si désagréable alors qu'après, généralement, on est bien. Il faudrait trouver un autre mot que "travail" pour les activités librement choisies (et qui demandent quand même que l'on fasse quelques efforts).

lundi 6 septembre

J'en ai fait un peu trop pendant les vacances. Il me fallait de la connaissance. Maintenant on va se détendre et vivoter un peu sur les acquis. Capitaliser socialement. Pas de forcing.

mardi 7 septembre

Tout moment intense, sur n'importe quel plan, vous condamne à dévaloriser par contraste l'expérience ordinaire. C'est pourquoi il est plus raisonnable de rechercher l'extase au coeur de la médiocrité quotidienne plutôt que dans des situations rares ou extrêmes.

mercredi 8 septembre

Je me traîne, je somnole, je pique du nez. Je ne pense à rien. J'encaisse les contrecoups de la rentrée.

jeudi 9 septembre

Le GFIV, une bande de bourgeois bohèmes ? Oui, et même une caricature de bobos. A un moment, nous avons compris que nous risquions de nous faire avoir deux fois : une première fois en étant nés dans un monde où règne la domination capitaliste, une deuxième fois en y étant dans le camp des dominés. Le coté bohème, j'avoue que cela peut irriter encore plus que l'embourgeoisement. C'est un peu vouloir gagner sur tous les tableaux. Profiter des avantages sans faire les concessions qui vont avec. C'est plein de contradictions que je trouve amusantes.

vendredi 10 septembre

Le changement est presque indécelable. Seul détail visible : j'écoute Coleman Hawkins dans ma voiture.

samedi 11 septembre

En cherchant bien, on devrait retrouver quelque part dans ce journal un message plein d'espoir du genre : "Super ! Je m'intéresse à nouveau à l'actualité politique et sociale." Caramba ! Encore raté ! Je me tiens au courant (Sarko, otages, tuerie), mais si je veux être sincère, je dois avouer que je m'en tape. Je n'ai aucun avis. Je n'attends même pas le suite, comme un feuilleton. Je n'y penses pas une seconde dans la journée. Cet aveu m'est difficile, mais je crois qu'il peut en aider certains qui partagent cette suspension du jugement.

dimanche 12 septembre

Lorsque l'actualité se résume à la lutte entre deux ou trois monothéismes également abrutissants et à la carrière de quelques politiciens arrivistes, il vaut mieux chercher ailleurs.

 

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