lundi 1 novembre

Je ne le sens pas trop, ce mois de novembre (mais je me trompe peut-être). J'avais oublié la leçon fatale : les choses ne reviennent jamais de la même façon, c'est toujours différent. Je croyais que j'allais faire un tour en barque, pèpère, le long du fleuve et je me retrouve en pleine mer. Ce n'est pas la tempête, mais ça ballotte quand même pas mal. En plus, il commence à faire froid.

mardi 2 novembre

Rien de spécial. Lecture : John R. Searle, La construction de la réalité sociale; Musique : des vieilleries oubliées que je connais par coeur (ça m'aide à distancier). Film : l'élection américaine (PPDA réalisant le plan de ses rêves, devant l'immeuble du New Yorker). What's more ?

mercredi 3 novembre

Bush est en tête, c'est le dernier jour des vacances, et vous voudriez que je sois euphorique ? Concentrons-nous sur ce qui dépend de nous, ce sur quoi nous pouvons agir.

jeudi 4 novembre

Il faut réaliser que vous êtes probablement aussi énervant et insupportable pour votre ennemi que celui-ci l'est pour vous. Mais pas pour le mêmes raisons. Et c'est cette opposition qui est intéressante. Sur quoi ça coince - et qui est rarement explicité (les motif affichés sont toujours secondaires) ? Moi, je crois que c'est de l'amour mal canalisé.

vendredi 5 novembre

Il faut y aller doucement avec le système nerveux central. La machine tourne à plein régime : profusion d'idées, de rencontres, de projets, d'actions. Et puis à un moment, ça se met à tirer. Et là il ne faut surtout pas insister. Tout paraît compliqué, oppressant ? Stop it. Le remède de Dr Sweet : se coucher de bonne heure et dormir le plus longtemps possible, le temps qu'il faudra (un jour, une semaine, un mois s'il le faut). And then, you are ready to go again.

samedi 6 novembre

Je pourrais dire qu'en l'espace de deux jours j'ai changé de point de vue sur le monde qui m'entoure, mais c'est peut-être l'inverse qui s'est produit : la réalité qui a décidé de se présenter sous un autre jour, d'être plus accueillante et confortable (who knows ?).

dimanche 7 novembre

Je sais que j'ai quelques lecteur qui, comme moi, ne sont pas insensibles au rock garage. C'est un peu triste, mais il a fallu que Greg Shaw soit décédé pour que j'apprenne qu'il était derrière toutes ces rééditions de groupes obscurs des sixties (la fameuse série des Pebbles). Bon, je vais certainement penser un peu à ce type aujourd'hui en ramassant les feuilles.

lundi 8 novembre

Y'en a marre des douceurs climatiques. La tiédeur nous ramollit. Il nous faut de la pluie glaciale, des bourrasques qui déchirent, un automne à l'ancienne. Right now. Nous en avons besoin pour pouvoir apprécier les soirées au coin du feu, les récitals de Captain Pat et les boissons qui réchauffent.

mardi 9 novembre

Je ne me doutais pas, en commençant le journal, que cet exercice d'écriture deviendrait un moment indispensable de la journée. Tous les matins, juste avant le saut en parachute vers la vie sociale, il y a cette transition entre le monde des rêves, d' où j'émerge, et la "réalité commune" vers laquelle je me dirige.

mercredi 10 novembre

Une réaction de Zarayan (que l'on ne présente plus) :

On raconte que les inimitiés sont des histoires d'odeurs. Mais comment expliquer l'inimitié éprouvée envers, par exemple, Christine Angot? Moi, je n'ai jamais rencontré Christine, et elle m'énerve quand même. Si ça se trouve, si je la rencontre, je vais tomber sous le charme de son odeur; je serais mal, là. Aimerai-je son écriture après ça?

Si je prends le cas d'un personne qui me donne des boutons, je constate que tout va dans le même sens. Tout est répulsif à mes yeux chez elle : la voix (le son, les intonations, les tentatives ratées pour enrober un timbre de tyran sous des accents sympatoches), les expressions du visage (tics au repos, grimaces censées évoquer un sourire), la façon de s'habiller, de marcher, etc. Il y a certainement l'odeur, mais comme cela passe directement par le cerveau reptilien, on ne remarque pas trop (et puis il faut être à côté, ce que l'on évite autant que possible).

jeudi 11 novembre

Ce que j'ai retenu de l'art moderne, en fait, c'est la délocalisation de l'art. Je ne comprends même pas comment on peut vouloir "faire de l'art" dans le contexte historique et économique de l'époque. Je propose de laisser tomber cette vieille histoire épuisée. Fuck art. Et à la place, parlons d'expérience esthétique, qui peut émerger dans n'importe quelle situation (et pas seulement dans une galerie ou en tenant un pinceau). Quant à la nécessité sociale de produire quelque chose, vous savez déjà ce que j'en pense.

vendredi 12 novembre

Avant, j'avais l'impression que les sixties étaient un résevoir inépuisable de pépites qui ne demandaient qu'à être découvertes. Chanteurs plus ou moins obscurs (Tim Hardin), albums mythiques (Village Green des Kinks), groupes de cinglés (Chocolate Watch Band). Je croyais que je n'en ferai jamais le tour. Maintenant, le territoire commence à être sérieusement ratissé à coup de rééditions remastérisées. On me signale un hors série des Inrocks sur lequel je vais bien entendu me précipiter. Mais j'ai peur de ne rien découvrir de nouveau.

samedi 13 novembre

J'aime bien quand les lecteurs s'occupent de moi, m'envoient des informations concernant la musique que j'aime. Mais j'y décèle également une légère inquiétude. Jane va-t-elle arrêter le rock ? Rassurez-vous. Hier soir, j'écoutais Psychedelic Jungle et je chantais : "here we come baby and you better run, we're the Green Fuzz". Je me suis souvenu que l'on jouait ce morceau en répétition, avec un groupe garage rennais qui n'a jamais sorti de disque et où je tenais la guitare rythmique (je me tapais aussi le solo à deux notes). C'est ça qui a changé. Je suis moins à fond dedans. Certain penserons, il était temps (allusion à l'âge, à la "maturité"). Ce n'est pas entièrement faux non plus. Il faut évoluer, comme on dit. Je m'accorde encore le droit d'écouter du rock à fond dans mon salon tant que Keith, Bob et Lou (mes héros et modèles de jeunesse) seront encore vivants et plus ou moins actifs. Après, on verra.

dimanche 14 novembre

L'autre jour, je faisais un truc un peu nul et que je n'avais pas expérimenté depuis une éternité : le bilan genre, "j'ai ceci, j'ai cela, donc je n'ai pas le droit de me plaindre, donc c'est le bonheur". Pendant deux seconde, j'ai eu une illumination et tout m'a paru merveilleux, des paillettes scintillaient dans les arbres repeints avec des couleurs de cartoon et les oiseaux redoublaient d'ardeur. Mais je n'ai pas tenu longtemps dans ce nirvana de joie de vivre et de déléctation. Ce matin, mon bon vieux blues est toujours bien là et j'avoue que ça me rassure.

lundi 15 novembre

J'ai plein de mauvais souvenirs avec les inscriptions administratives (avec moi, les gens ne sont pas dans leur bureau, les dossiers sont incomplets, et le formulaire indispensable est hélas introuvable). Alors je pars pour la journée, en mission. Pensez à moi, les amis !

mardi 16 novembre

Tout s'est passé comme prévu. Je n'avais pas le bon papier et j'étais à quelques jours de la dead line. Les choses sont plus douces lorsque l'on s'y attend.

mercredi 17 novembre

J'en ai déjà parlé, mais il s'agit d'un thème qui m'intrigue depuis l'enfance : le mal et ses manifestations. Pas le mal en tant que grande notion métaphysique ou comme feuilleton au vingt heures, mais le mal ordinaire, mesquin, banal, celui qui se manifeste dans les petites guerres de la vie quotidienne (batailles de services, petits chefs tyraniques, ratés aigris, etc). Ce qui m'intrigue, ce sont les manifestations extérieures, physiques et corporelles (sale gueule, regards par en-dessous, sourires malsain). Toute une énergie négative qui me donne, en réaction, une forme d'énergie radieuse.

jeudi 18 novembre

On se détend. Je sors d'une embuscade où j'ai marqué des points au finish. Alors, musique ! Aujourd'hui : Nick Cave and the Bad Seeds, dont le dernier opus est à la fois copieux et varié.

vendredi 19 novembre

Hier soir, j'allume ma télé machinalement. Je tombe sur Françoise Hardy, assise sur un tabouret de bar. Cheveux blancs, joues creusées d'anorexique, voix intacte, elle décolle en interprétant "Tant de belles choses", bien soutenue dans son envolée par les coups de slide du guitariste. Un grand moment d'émotion. Tout le plateau sous le choc. On rêve d'un concert qu'elle ne donnera probablement jamais. Mais c'est la rareté qui donne son prix à ce genre de moment volé.

samedi 20 novembre

Le dernier Nick Cave est double. Il se répartit de manière binaire : un CD cool et un autre rock (c'est pratique). J'écoute les ballades en boucle alors que je n'ai passé qu'une fois celui où les Bad Seeds sont énervés (le disque rock a l'air excellent, mais j'ai trop envie d'écouter les ballades). Sur des arrangements piqués à the Sleepy Jackson (les choeurs), Nick Cave déploie ici des qualités d'interprétation qui le hissent au niveau des grands crooners du rock. Et les chansons sont des vraies bonnes chansons, du genre de celles que l'on fredonne en voiture. C'est rare.

dimanche 21 novembre

La mode des blogs va retomber. L'erreur, c'était de croire qu'il suffisait d'avoir des choses à raconter pour écrire alors que c'est le contraire : il faut d'abord écrire pour ensuite, éventellement, avoir quelque chose à raconter.

 

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