lundi 22 novembre

Il ne suffit pas d'avoir des capacités, des dispositions. Il faut encore rencontrer la situation qui leur permettra de se développer. C'est important. Pas pour frimer en montrant que l'on est capable de faire ceci ou cela (généralement personne ne s'en aperçoit, ils ne veulent pas le voir, car prendre en considération les capacités des autres les amènerait à relativiser les leurs). Ce qui compte, c'est de savoir que l'on peut faire une chose. Car il faut disposer de cette information pour pouvoir ensuite se poser la question du choix : ais-je vraiment envie de cette chose ?

mardi 23 novembre

L'écriture n'a pas pour fonction de décrire la réalité. Il s'agit d'une construction symbolique qui se développe selon ses propres lois. Aujourd'hui, on veut nous faire croire qu'écrire c'est raconter ce qui vous est arrivé. Et tout le monde a l'air de trouver ça normal. Non, pas tout le monde en fait. J'ai reçu ce message d'un lecteur :

Pour revenir sur le phénomène des blogs, on sait que l'informatique
domestique et l'accès au Net ont été utilisés dès le milieu des années 90
par les marchands du virtuel comme une massue promotionnelle pour faire
croire aux consommateurs lambdas qu'ils avaient tous forcément quelque chose
à raconter, comme si le nouveau support, le média "révolutionnaire" du Net
allait leur donner du talent ou permettre de le dévoiler.

mercredi 24 novembre

Nous vivons ce moment où la génération seventies accède au pouvoir dans les médias (en politique, c'est plus long). Pas étonnant, dans ces conditions, d'entendre du rock (et du bon) dans les spots de pub et de voir réapparaître des relents d'idéologie baba dans le marketing.

jeudi 25 novembre

Keep cool. Je sors d'une longue baston symbolique. Le genre de conflit ultra dérisoire qu'il est néanmoins important de gagner pour maintenir son espace vital. Comme je rechigne à descendre dans ce genre de bataille de territoire, je laisse un peu traîner les choses, j'essaie de contourner. Résultat : lorsque je prends enfin les choses en main, il faut cogner fort. Mais ici, au GFIV, nous sommes habitué au fight. Et les compétences acquises en ce domaine sur les listes de discussion sont transférables dans la real life. Nous n'avions donc pas perdu notre temps.

vendredi 26 novembre

J'en ai un peu marre d'Internet. Bien sûr, c'était bien, cette possibilité d'expression ouverte à tous. Mais il faut bien reconnaître qu'il n'en est pas sorti grand chose. La révolution électronique n'a pas eu lieu. Du coup, la bonne vieille réalité extérieure retrouve un charme fou. Meilleur environnement en 3D disponible sur le marché ! Possiblité de déplacement illimitée ! De l'action, du suspens ! Et une chouette énigme irrésolue .

samedi 27 novembre

C'est suffisament rare pour être signalé : I am happy. D'ailleurs, cette nuit, un souvenir de pur bonheur juvénile m'a traversé l'esprit l'espace de quelques secondes. Ce truc était totalement enfoui. Même si je me souvenais vaguement des faits d'un point de vue chronomogique, j'aurais été incapable de me remémorer l'état de conscience où je me trouvais, et encore moins de le revivre.

dimanche 28 novembre

Hier, je prends mon CD de Nick Cave pour l'écouter dans la voiture. J'ai dû rapidement me rendre à l'évidence. Il n'était pas lisible sur le lecteur. Alors j'ai fait une grosse colère. Premièrement, les maisons de disques nous traitent comme des gangsters. J'ai raqué à la caisse et je ne peux pas rouler en écoutant Nick Cave chanter "Easy money" dans ma voiture à cause de vos dispositifs anti-piratage, alors que si l'on considère le coût de fabrication et les quelques centimes alloués aux artistes, à ce prix-là, vous devirez nous en offrir deux autres gratuitement et nous raccompagner à la porte de la FNAC. J'ai pensé à vous attaquer, à déposer plainte, mais vous ne méritez même pas que l'on vous accorde cette attention. Par contre, j'ai pris une décision : je n'achèterai plus aucun CD à des escrocs qui pratiquent le racket et nous trompent sur la marchandise.

lundi 29 novembre

Je pense qu'il y a très peu de moyens de contrer la pénalisation du téléchargement en ligne. C'est pourquoi il faut frapper là où c'est simple et sans risque : en ne donnant pas un centime d'euro aux racketteurs. Bien sûr, cela signifie se priver de musique récente, acheter des livres et aucun CD pour les cadeaux de Noël. Mais est-ce si terrible ? Surtout comparé à la joie de voir le PDG d'Universal annoncer que les ventes ont baissé, en dépit des amendes colossales et des peines de prison imposées à des smicards ou à des chômeurs choisis "au hasard"*.
* A ma connaissance, aucun membre ou rejeton de la classe dominante n'est tombé pour cause de téléchargement abusif, mais je peux me tromper...

mardi 30 novembre

Hier, j'ai acheté un cadeau d'anniversaire pour un ami. Un livre, bien sûr. Et surtout pas le CD de the Kings of Leon, qu'il aurait pourtant aimé. Désolé pour les royalties, les gars ! Ce n'est pas dirigé contre vous.

mercredi 1 décembre

Cette année, vous ne trouverez pas un mot dans le journal à propos de la fête du commerce et de la famille située vers la fin du mois. Je zappe, j'ignore. J' expérimente une forme de déconstruction qui consiste à évacuer ce qui ennuie ou irrite en faisant simplement une croix dessus et en passant à autre chose. Certains prétendent que les faits résistent. Certes. Mais il ne s'agit pas ici de faits, uniquement de constructions collectives relatives à des systèmes de croyance. Donc, logiquement, cette position est correcte. Reste à savoir si elle est socialement tenable.

jeudi 2 décembre

En retard. Je dois foncer sous la salle de bain où un journaliste m'attend pour me parler du référendum socialiste et du reste du monde. Cette perspective m'attire moyennement. A plus.

vendredi 3 décembre

Je joue un va-tout in real life. Rien à dire.

samedi 4 décembre

Revu une fois de plus le Dernier tango, cette fois-ci dans des conditions un peu spéciales. J'étais dos au poste de télévision et je jetais un coup d'oeil de temps en temps par-dessus mon épaule, le temps de saisir un fragment de scène. Je parlais avec une personne assise en face de moi sur le canapé. Cette personne se débattait avec des histoires de famille. Faut-il absolument se rendre à l'enterrement de l'un de ses parents ? Tel était l'enjeu, juste après l'annonce d'un décès. Dans ce cas précis, je plaidais l'abstention par mesure de protection personnelle. A un moment clé de la discussion, je jette un coup d'oeil à la télé. Maria Schneider était allongée sur le ventre et Brando se tortillant sur elle, mimant la sodomie, en lui demandant de répéter après lui : "FUCKING FAMILY". On ne peut être plus synchrone.

dimanche 5 décembre

Kevin Coyne, dont je vous parlais il n'y a pas si longtemps, "died on Thursday morning 2nd December 2004". (fuck, comme dirait Guy Mercier, le nécrophile du rock).
Je vous quitte sur cette nouvelle et vous souhaite un bon dimanche à se les geler.

lundi 6 décembre

Je ne supporte plus les petits héros qui se la jouent à coup de grandes idées généreuses et humanistes ("alter" à queue de cheval, bobo nouvel obs, artiste "engagé"). Ils ne sont pas à la hauteur de leurs idéaux dans les petites négociations au quotidien. Leur gymnastique pour vivre à deux niveaux (discours impeccable, pratiques mesquines) finit par les rendre bizarres. Ce sont des adeptes du "pas vu, pas pris", y compris pour eux-même. A vrai dire, ce sont pour moi des êtres énigmatiques. Certains diront que l'ultra libéral ou le catho réac ne valent pas mieux. Oui, mais ceux-là, je me suis arrangé pour ne pas avoir à les côtoyer.

mardi 7 décembre

"Qu'est-ce que tu as à proposer, toi ?" On vous balançait ça au siècle dernier. Aujourd'hui, tout le monde s'en fout et personne ne vous demande rien, mais je réponds quand même. Je récuse les idées générales, les "valeurs universelles". Tous ces grands principes sont creux et vides. Je m'occupe de ce qui se passe dans l'action quotidienne, dans la façon de réagir à une situation, lorsque tout va très vite et que les choses surgissent de manière imprévue. C'est à ce niveau que je situe les enjeux éthiques, pas dans les constructions linguistiques bricolées au calme pour masquer les pratiques effectives.

mercredi 8 décembre

J'ai choisi mon cadeau pour noël : Philosophes taoistes, tome II (édition de la Pléiade). Le premier volume a joué un rôle déterminant dans la conduite de ma petite existence. Et là, j'ai justement besoin d'un petit coup de pouce pour aborder la seconde manche, qui s'annonce not so easy.

jeudi 9 décembre

Pour certains philosophes (comme Derrida ou Rorty), il n'existe pas de réalité extérieure au langage. Si l'on y pense, l'idée n'est pas absurde. Ce dont nous ne pouvons rien dire n'a pas vraiment d'existence à nos yeux. Les arguments des réalistes qui soutiennent que la réalité extérieure est indépendante de nos intentions sont tout aussi convainquants. Mais prenons la première hypothèse : je me demande à quoi ressemble le monde construit par ceux qui n'ont comme outils de base que quelques mots, généralement deux trois insultes.

vendredi 10 décembre

" Celui qui méprise sa vie menace la mienne." C'est une citation de Sénèque que j'ai entendue l'autre jour à la radio en rentrant du travail. Parmi tous les mots qui sont passés par là, ceux-là sont restés encodés et vont probablement rejoindre la mémoire à long terme. Cette petite phrase a été épargnée par la machine à oublier qu'est le cerveau. Pourquoi ceux-là ? Et pourquoi ce petit frémissement particulier au moment où l'on entend quelque chose qui rejoindra le stock disponible ?

samedi 11 décembre

Today : Paris, lumières, vitrines, cadeaux. Et oui. Mais j'y vais pour travailler. Les décorations, la foule, c'est en plus. Je n'en demande pas plus : une action centrale intéressante (voire captivante, mais il ne faut pas trop en demander) et un arrière-plan (décors, personnages secondaires) pittoresque et contrasté.

dimanche 12 décembre

Je comptais aller voir les affiches psyché exposées rue de Rivoli. J'ai débarqué dans une boutique au rez-de-chaussée où des rombières faisaient leurs courses en faisant la gueule. Après j'ai vu le public qui faisait la queue (l'autre expo était consacrée aux sacs, tout un programme). J'ai eu la nausée, la vraie, besoin de me sauver. J'ai vite couru sur le trottoir respirer du bon gaz carbonique. J'aurais mieux fait d'aller voir le Primatice au Louvre.

 

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