lundi 5 septembre

"Des dizaines de millions de personnes vont voir leur maison inondée, perdre le fruit de leur travail, voire leur vie ou celle de leurs enfants, parce que les océans se dilatent quand ils s'échauffent et que leur niveau va s'élever, inondant des pays entiers. Mais aussi parce que des pluies diluviennes, comme celles qui ont ravagé l'Europe à la fin de l'été 2002 ou Haïti en mai 2004, s'abattront de plus en plus fréquemment sur bien des régions. L'accélération du cycle de l'eau provoquera davantage de sécheresses dans certaines régions et facilitera les feux de forêt. Des vagues de chaleur tueront par milliers chaque année. Des millions d'hectares de culture seront brûlés par le soleil et de nombreuses espèces vivantes ou écosystèmes disparaîtront. Des moustiques porteurs de maladies tropicales viendront piquer les banquiers à Wall Street". Ce n'est pas un prophète de l'apocalypse qui parle, mais un climatologue. Et, ajouterai-je, les médias auront ainsi leur dose assurée de catastrophes télégéniques.

mardi 6 septembre

Il suffirait de trouver une petite faille. On ne la signalerait à personne. Et chaque jour, comme un prisonnier creuse patiemment son tunnel, on y travaillerait dans une discrétion absolue.

mercredi 7 septembre

Rien sur le dernier Stones (à part le dessin de Bill). L'écoute des chansons est tout simplement insupportable - une vraie torture émotionnelle. Quant à l'aspect entreprise d'entertainment, je me dis qu'il y a une vérité cachée derrière tout ça. Un peu comme les maîtres zen qui font perdre toutes leurs illusions à leur élève. Il fallait que quelqu'un le fasse.

jeudi 8 septembre

Cela peut paraitre simple : il suffit de trouver son rythme et de ne plus s'en éloigner, même si tout autour vous incite à adopter le rythme des autres.

vendredi 9 septembre

Une découverte : Howe Gelb. C'est la bande son de l'automne caniculaire, ici, au basement. Voilà le genre de musique que j'adore, pour la sensibilité à vif , pour la country désossée, les bricolages lo fi et les stridences qui réveillent. Nous avons affaire à un song writer particulièrement prolifique, capable d'alimenter plusieurs entités, en solo ou avec des groupes comme Giant Sand et Calexico (entre autres). Plaisir de jouer, variété des climats, inventivité : bref, tout le contraire du dernier Stones.

samedi 10 septembre

Parfois, je me dis que le web est le moyen de publication idéal. Rien d'inscrit dans la matière, rien d'irrémédiable. A tout moment, vous pouvez toujours appuyer sur un bouton et faire disparaître toute trace.

dimanche 11 septembre

L'art de la réunion me laisse une impression de pièce hermétique, jouée dans une langue que je ne maîtrise pas bien. Ainsi ai-je mis très longtemps avant de remarquer que l'essentiel des réunions ne résidait pas dans l'ordre du jour mais dans les rapports de force qui s'y jouent entre les protagonistes - et qui se manifestent dans des "petites phrases", des regards, etc. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ces réunions de type "soviétique" (Staline était un génie de la réunion) n'ont absolument aucune efficacité en regard des objectifs affichés. L'énergie est mobilisée ailleurs, dans une guerre symbolique assez dérisoire, certes, mais qu'il faut respecter un peu puisque, au regard de certains, elle représente toute la vie.

lundi 12 septembre

Certaines femmes éprouvent une puissante attraction physique au contact du pouvoir - pas seulement envers les hommes haut-placés, mais également pour tous les symboles du pouvoir (j'en ai vu une s'exciter à propos d'un escalier situé dans un ministère). Tous les goûts sont dans la nature et il convient de se montrer tolérant, même pour des formes de jouissance sexuelle qui ne s'avouent pas franchement et se cachent sous différents alibis, plus ou moins altruistes.

mardi 13 septembre

Je pensais sincèrement bricoler dans mon coin, sans chercher le moins du monde à nuire aux valeurs sacrées de la production et de la consommation. Je découvre que pour d'autres également, il s'agit de « ralentir, s'entêter, tenir à son territoire, décrocher, être injoignable ». Le philosophe Rüdiger Safranski voit même dans le repli individuel une forme de résistance à l'aliénation (tout de suite les grands mots). Est-ce à dire que l'on ne peut pas cultiver son jardin sans être soupçonnable d'activité subversive ?

mercredi 14 septembre

Cette rentrée marque aussi le grand retour de Dada (expo au Centre Pompidou). Bien sûr, le GFIV s'y précipitera : nous sommes des fans. Tout ce qui s'est fait d'important au siècle dernier entretient, d'une manière ou d'une autre, un rapport étroit avec Dada.

jeudi 15 septembre

A chaque fois que j'entends parler des "énergies alternatives" (et c'est assez courant en ce moment), je pense à Reiser qui nous parlait de l'énergie solaire et des éoliennes dans le Charlie Hebdo des années 70. Reiser avait raison. Fournier avait raison. Et tous les décideurs de l'époque avaient tort. Pour les questions qui se posent aujourd'hui, à qui croyez-vous pouvoir faire confiance ?

vendredi 16 septembre

On annonce un retour de la peinture (dont l'acte de décès avait pourtant été signé dans les années 90). Les tendances passent vite dans le champ de l'art. La photographie va bientôt être ringardisée et l'on ne jurera plus que par la figuration réaliste. Why not ?

samedi 17 septembre

Repos.

dimanche 18 septembre

Promenade à Paris. Vu une belle affiche dans le métro : une pub pour le Musée d'Orsay, fragment de l'Olympia barré par le titre "De la volupté". Vu Cathrine Millet et Jacques Henric, à Saint Germain, venus se protéger sous le même rideau de magasin que moi lors d'une averse. Ils sont tout petits, habillés très discret, ont l'air de bien s'entendre (sans se parler, comme font les vieux couples). Vu l'adaptation du "Petit bleu de la côte ouest" par Tardi et l'ai trouvée décevante (comment aurait-il pu en être autrement ?). En écoute, la "BO" (qui n'en est pas vraiment une ) de "No direction Home".

lundi 19 septembre

Ce que j'ai à dire est difficile à avouer. Quelque chose a profondément changé, pour moi, avec le Velvet Underground et l'Internationale Situationniste. Dans les deux cas, la magie a (en partie) disparu. Je sais que plus rien ne reviendra jamais comme avant : le parcours initiatique, la fébrilitéde la découverte, la petite confrérie de ceux dont la vie en a été changée. Pourtant, il reste des choses. Je ne dis pas que les oeuvres ont perdu de leur force. La musique de VU, surtout au début (période Warhol, avec John Cale), enfonce tous les suiveurs (personne n'a retrouvé ce mélange parfait de liberté expérimentale et de poésie vénéneuse). Certains textes de l'IS pourraient avoir été écrits hier (et il seraient toujours aussi visionnaires et beaux). Mais (comment dire ?), cela n'émet plus la radiation esthétique un peu sulfureuse que procure la beauté à l'état sauvage. Alors, qu'est-ce qui a changé ? Il faut constater que les plus belles choses perdent de leur charme lorsqu'elles sont partagées par un trop grand nombre d'admirateurs. C'est assez insidieux, il y a des étapes. Dans un premier temps, lorsque l'on voit apparaître un hommage (au Velvet, à Godard, à Manchette, à Debord...) dans les Inrockuptibles, on est ravi. On se dit que l'on ne s'est pas trompé, que l'histoire est en train de confirmer vos goûts. Ce genre de choses. Mais à un moment, on passe à Télérama, au cliché culturel, à l'accord unanime. Et là, rien ne va plus.

mardi 20 septembre

"The Stooges "jouent" avec un amateurisme technique audible compensé par le sentiment que chaque note sera la dernière". J'aime bien cette phrase, extraite d'un article not so bad, paru dans le Monde. Je n'ai jamais été fan des Stooges, mais j'imagine que pour certains, ce genre de traitement produit le même effet que celui décrit à propos du Velvet Underground et de l'IS.

mercredi 21 septembre

Ceux à qui ce système profite ne veulent pas lâcher l'affaire, c'est normal. Il s'accrochent, et même, en rajoutent. Mais c'est le plus mauvais moment pour continuer ainsi sur la lancée, en force. Le désastre annoncé est tout prêt (pour certains, déjà là). Ce serait plutôt le moment de changer sa manière de voir les choses, de franchir ce que les biologistes appellent un bond évolutif. Cela paraît notre seule issue collective. Et en même temps, on voit bien que tout réel progrès est improbable (à cause du petit pourcentage qui tire ses profits de la situation actuelle).

jeudi 22 septembre

Je ne me soucie pas trop de l'actualité littéraire, je lis ce qui me tombe sous la main. En ce moment, c'est "Plateforme" (que mon fils m'a passé). Je trouve ça plutôt bien écrit, mais il y a beaucoup de facilités. C'est dommage. En fait, Houellebecq est vraiment bon quand il change de registre, oublie ses aigreurs, ses obsessions middle class, pour se laisser aller à une forme de lyrisme froid. Mai il faut rassurer les investisseurs.

vendredi 23 septembre

Je passe la parole à René (que je salue amicalement au passage): "Si je plonge dans mon passé où je pratiquais des créateurs de façon exclusive, je me souviens de noms de groupes, titres de livres et de disques, tableaux, collages, films que l'on se refilait comme autant de signes d'une connivence élective, comme des mots de passe pour entrer dans une communauté dont les membres s'étaient reconnus sur un 45 tours, un poème, une séquence de film..." C'est très vrai. Mais il faut ajouter que cela se produisait quand même rarement. Le plus souvent, on était seul avec son enthousiasme, entouré de congénères indifférents. La jouissance esthétique en égoïste est un plaisir Baudelairien, un peu sulfureux, et la culture de masse une sorte partouze obligatoire.

samedi 24 septembre

Je ne conçoit pas la vie et l'art comme deux choses séparées (une idée de base des avant-gardes, de Dada à l'IS). Lorsqu'elles le sont, on peut parler d'aliénation, au sens fort du terme. Dans mon vocabulaire à moi, l'art et la vie sont une même chose. Cela ne signifie pas qu'il suffise de décréter que la vie est la forme la plus aboutie de l'art. Il faut atteindre l'état de conscience où cette vérité vous apparaît comme une évidence. Et s'y maintenir. Donc, pour moi, il y a l'art et la vie - qui sont une seule et même chose -, et tout autour, le vaste domaine de la non-vie (ou encore de la vie lorsqu'elle se maintient au niveau biologique, sans atteindre à la dimension esthétique). Disons que c'est mon côté "John Cage".

dimanche 25 septembre

J'aime bien l'attente, lorsque l'on ne dispose que de signes à décrypter pour essayer de deviner si l'objet sera à la hauteur. Pour "No direction home", tous s'accordent : c'est de la bonne. Rien que les chutes de Pennebaker (deuxième tournée anglaise, en 66), cela aurait déjà suffit à nous combler. Mais il semble qu'il y ait encore plus. Suffisement pour refiler un coup d'adrénaline au vieux Garnier (dans Libération). Et ça, c'est un signe qui ne trompe pas.

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